Page:Collectif - Le livre rose - 1.pdf/201

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père prévoyait qu’une éducation un peu forte me serait un jour plus utile que les biens que nous avions laissés en France avec ma mère et ma sœur, qui s’étaient obstinées à rester afin de les conserver. J’étais alors si faible et d’une délicatesse nerveuse si grande que mon pauvre père voulut me cacher ce qui se vit dans ce temps là plus d’une fois, la mort de toutes deux et sur le même échafaud. Ce ne fut qu’à son lit de mort, lorsque ce chagrin long-temps concentré eut brisé le reste de ses forces, que j’appris qu’il ne restait de toute ma famille, que celui que je n’avais plus qu’une heure pour aimer. Je ne saurais vous dire où je puisai l’énergie nécessaire pour supporter une telle complication de douleurs, et l’année qui s’écoula ensuite est tellement sortie de ma mémoire que j’ai oublié si elle a duré un jour ou un siècle. En tout cas, je la passai seul, comme celles qui sont venues depuis, comme celles qui me restent peut-être encore à subir sur la terre. Seulement, il y a un an, je voulus secouer cet isolement qui m’était devenu insupportable ; je quittai Oxford pour Londres, et peu après je me fis présenter dans deux ou trois maisons où l’on recevait. J’y trouvai un grand plaisir, et malheureusement je fus trop long-temps avant de m’en avouer la cause. Je vais vous la dire, milord, bien que je tienne tout ce qui a rapport à ceci ren-