Page:Collectif - Le livre rose - 1.pdf/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est ainsi que les gens du monde traitent les caractères qui ne sont pas, comme le leur, ployés et façonnés aux usages de la société, et qui n’y sacrifient pas leurs goûts et souvent leurs sentimens.

Madame de Servière n’avait jamais vu Ernest, quoiqu’il fût venu plusieurs fois à Paris. Quand cela arrivait, il passait ses journées à visiter les musées et les monumens publics, ou bien madame de Servière se trouvait à la campagne, ou à la cour ; enfin, ils ne s’étaient jamais rencontrés. Cependant il devait arriver le soir même. Mais espérant qu’après sa présentation leurs rapports se borneraient à quelques froides politesses, elle ne s’en occupa plus.

Après le dîner, où il y avait du monde comme d’habitude, madame de Servière demanda la permission de se retirer pour aller faire sa toilette de cour, et se rendre au cercle de l’impératrice. La soirée était déjà assez avancée quand elle reparut au salon ; on se récria sur sa beauté, sur sa magnificence, mais M. de Servière, interrompant un peu brusquement tous ces éloges, s’approcha d’elle, et lui présenta un officier que son uniforme lui aurait fait reconnaître, quand même on ne le lui aurait pas nommé. Elle leva les yeux avec indifférence, et fut étonnée de voir un jeune homme d’une taille élancée et remplie de grâces. Sa figure, pâle et mélancolique, n’avait rien de remar-