Page:Collectif - Paris guide partie 2.djvu/228

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riches et les plus nouvelles, on remplit une calèche pour aller au bois ; on court à l’Opéra, aux Italiens, aux divers spectacles, à l’Ambassade. On s’inscrit pour se faire présenter aux Tuileries et l’on commande une toilette de cour.

Ces républicains !… D’abord, je vous le dis en confidence, et vous le reconnaîtrez avec moi tout le long de ce récit, ces républicains sont fort amoureux de pompes mondaines ; ensuite, ils n’ont pas contre les monarques les… préjugés que vous et moi nous pourrions avoir. Cela vous étonne ! Mais songez donc : leur sentiment à cet égard est si désintéressé ! Les monarques d’autrui ne les choquent ni ne les effrayent. Ce sont d’ailleurs des touristes, qui veulent tout voir et surtout avoir tout vu. De retour dans ses foyers, la famille américaine devra pouvoir dire qu’elle a été présentée, qu’elle est allée à la cour. Il serait humiliant de n’avoir pas eu ce privilége. Puis, venus pour connaître les curiosités européennes, peuvent-ils négliger celles qui sont le plus étrangères au nouveau monde ! L’ardeur même qu’ils y mettent s’explique par les changements de décors si fréquents en notre siècle. Est-on jamais sûr de retrouver les mêmes spectacles quand on reviendra !

Chaque mois, donc, le ministre des États-Unis est tenu de présenter, sur simple demande, une fournée de quelque cent de ses compatriotes. Pourquoi pas ! Ni vilains, ni seigneurs, tous Américains. Les préférences ne sont pas permises, sans quoi le ministre n’aurait qu’à se bien tenir. Ces démocrates à l’étranger n’ont point renoncé à leur souveraineté et ne sont pas sans influence quant au choix de leurs agents. Et voilà comment cette envahissante démocratie s’impose et pénètre dans les sanctuaires.

Il faut avouer cependant qu’un certain nombre d’Américains s’acclimatent aux splendeurs des cours, et qu’à Paris en particulier plusieurs sont devenus les hôtes habituels des résidences impériales. On cite de jeunes personnes dont les hardiesses et les excentricités feraient pâlir celles mêmes qui ont pris leur source aux bords du Danube, et dont les intrépides complaisances accepteraient, dit-on, dans les divertissements et spectacles, les rôles les moins voilés. Mais nous ne pouvons écouter les chuchotements de cette chronique maligne qui, américaine ou non, a pour vraie patrie la terre entière, sans quoi nous serions obligés de parler aussi du peu de hauteur des corsages américains. D’abord cet usage évidemment, ainsi que la Bible et d’autres coutumes, est de pure tradition anglaise, et puis une circonstance atténuante à faire valoir, c’est que les flots de l’Océan nous apportent des épaules tout autrement belles que ne font ceux de la Manche. Un tel détail, d’ailleurs, il faut en convenir, n’a rien de bien caractéristique,