Page:Collectif - Paris guide partie 2.djvu/232

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les fortifie souvent par renseignement, et, célibataire ou mariée, a toujours de longues heures à donner aux exercices de l’esprit. Tous ceux qui connaissent l’intérieur des Américaines parlent de la lecture comme d’une de leurs principales occupations. On les voit, en outre, se presser aux cours littéraires et scientifiques ; mais ce qu’on pourrait leur reprocher, c’est, jusqu’ici, de ne pas se servir de cette supériorité dans le sens de leur dignité et de leur indépendance.

La théorie qui fait de la femme une reine dans les fers, gouvernant par la grâce du charme et de la beauté, est en pleine floraison de l’autre côté de l’Océan. Le premier devoir et le premier orgueil d’un mari américain sont d’assurer l’oisiveté de sa femme et de suffire aux dépenses de sa toilette. Il y a aux États-Unis beaucoup de femmes fonctionnaires, soit dans l’enseignement, soit dans les services publics, tels que les postes, les télégraphes et même les bureaux des ministères. Ce sont presque toutes des célibataires, état fréquent dans la nouvelle Angleterre, qui lutte avec l’ancienne pour l’excédant de population féminine ; elles donnent leur démission quand elles se marient. « Je ne souffrirai pas que ma femme travaille », tel est le mot d’orgueil masculin qui, par contre, est le mot d’une dépendance. Mais, sauf un parti d’émancipation qui s’est formé sous l’inspiration de miss Staunton, les Américaines s’arrangent à merveille de leur rôle d’enfants gâtées, et, tout aussi mondaines que nos femmes d’Europe, elles ne s’attachent à les dépasser que par le luxe, dont elles raffolent. En sorte que, malgré cette belle liberté qu’ont les jeunes gens et les jeunes filles de se voir et de se connaître, nous avons bien peur que l’amour pur, détaché de tous frais d’établissement et de tout étalage de corbeille, n’ait encore obtenu dans aucun pays du monde ses lettres de haute naturalisation.

Les mœurs américaines, on le sait, accordent aux jeunes filles la liberté la plus entière. Chargées elles-mêmes de leur propre vertu, de leurs propres intérêts, elles n’en sont que mieux préservées. Instruites des dangers de la vie, elles sont capables de les braver ; mais il faut dire que cette tâche leur est facile, grâce au respect dont les hommes les entourent. Une jeune personne peut traverser d’un bout à l’autre tout le territoire de l’Union sans avoir à craindre ni honteuses poursuites, ni même le moindre propos inconvenant. Aussi la jeune fille américaine se distingue-t-elle vivement des nôtres par son seul aspect. Son costume lui-même a quelque chose de plus dégagé. Ce sont elles qui, les premières, ont adopté les petits chapeaux masculins, posés sur le front et laissant par derrière à découvert ces bottes de cheveux dont, par exemple, nous ne saurions, pas plus que nul autre, à