Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’eau au cinquième étage, parce que, disait-il, deux cent deux marches à monter et descendre étaient un excellent exercice pour un homme condamné à un métier sédentaire, au fond d’une cour qui avait tout l’air d’un puits. Grâce à cet amour pour les ascensions hygiéniques, les cinq hôtes du bocal transformé en aquarium n’avaient jamais manqué de l’élément liquide qui leur était indispensable.

Rassuré sur le sort de cette colonie, dans laquelle se trouvaient réunis deux des règnes de la nature, l’air et l’eau, Gueuxarcher, qui représentait le troisième, c’est-à-dire celui qui se meut prosaïquement sur le plancher des vaches, se coucha et s’endormit.

III

Il fut réveillé de bonne heure par son cerbère, qui ignorait encore son retour et, muni de sa clef de réserve, venait renouveler l’eau de son aquarium et le chènevis de miss Cocotte. Interrogé sur la provenance de ce volatile, il répondit qu’il avait été apporté par un missionnaire de la part de Mme Gueuxarcher-Duclaux, avec un numéro de la Petite République, qu’il lui remit. C’était tout ce qu’il savait.

Aussitôt seul, le journaliste s’empressa d’ouvrir la gazette à un sou et tomba sur un fait-divers marqué au crayon rouge, qui racontait la fin tragique d’un perroquet. Ce perroquet appartenait à un curé peu ami, paraît-il, des institutions existantes. Pendant son absence, de mauvais plaisants apprirent au pauvre oiseau à crier : Vive la République ! et, son retour, le curé, indigné, l’assomma d’un coup de canne.

Pauvre miss Cocotte ! C’était donc une condamnée à mort ; et, dans un but que ne s’expliquait pas le bon Gueuxarcher, on la lui avait envoyée, avec l’espérance qu’en sa qualité de suppôt du 16 mai, il se ferait l’exécuteur de ces hautes œuvres volatilo-républicanicides. Qu’avait donc fait la malheureuse bête à son ancienne maîtresse ? car il tendait à supposer que ce ne pouvait être qu’une femme, et qu’une Anglaise. Il se flatta d’obtenir quelques éclaircissements de la voisine, la veuve du baronnet ; mais elle était déménagée pour aller tenir un boarding-hause à l’usage de ses compatriotes dans un autre quartier et n’avait pas laissé son adresse. Quant à