Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/352

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leur monotonie ; puis au bout de ces plaines, de hautes montagnes dont la crête découpe hardiment le ciel, mais d’ailleurs nues et stériles comme le désert qui les avoisine. Çà et là, d’énormes pics dressent leurs sommets enneigés, et semblent comme autant de géants imaginaires au milieu de cette révolution du globe. Long’s Peak, Gray’s Peak, Pike’s Peak, Mount Lincoln, tels sont les noms d’entre les plus fameux. Leur moyenne est de 14,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et l’idée seule d’une masse si élevée donne le vertige.

L’art du peintre, qui n’a encore rien dit au Colorado, aurait beaucoup à faire en s’inspirant de cette grande et morne nature qui souvent agit par surprises et atténue sa dureté au point de charmer par des spectacles aussi nouveaux que variés et inattendus. Ici c’est un lever de soleil qui embrase la plaine de ses rayons, frappe la grande chaîne des Rocheuses et la fait se détacher au loin comme un mur formidable ; là, vers midi, c’est un ton chaud d’une intensité de lumière rappelant les latitudes africaines ; enfin, quand l’astre du jour est à son couchant, des nuages empourprés se confondent avec la masse noirâtre de la montagne, se résolvent en mille couleurs, puis disparaissent insensiblement pour faire place à un crépuscule d’une sombre et mystérieuse féerie.

Combien merveilleuses et sublimes sont les beautés de la nature ! Que de physionomies, que d’aspects divers, et cependant, quelle unité, quelle harmonie ! Au Canada, la variété abonde : il y a des saisons fortement accusées, une chaleur tropicale, un froid intense, des forêts impénétrables, de vertes montagnes, des lacs ou plutôt des mers intérieures, enfin des fleuves qui ressemblent, on ne pourrait mieux l’appliquer, à des chemins qui marchent d’une allure noble et majestueuse. Cependant l’hiver fait disparaître une partie de ces beautés naturelles sous sa dure étreinte, mais ce n’est qu’une mort temporaire à laquelle succédera bientôt une vie toute nouvelle, aussi il faut voir à l’été comme le pays renaît et comme il se pare d’une luxuriante végétation ; l’œil et l’imagination sont sous l’effet d’une jouissance inexprimable, et il semble alors que la Nouvelle France ait le même partage, la même physionomie que la mère-patrie, c’est-à-dire le