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L’ANGE DU SOMMEIL


Que la journée est longue où l’on doit, brave ou lâche,
Avec ou sans espoir, incessamment courir
Vers un but qu’on n’atteint jamais et, sans relâche,
Recommencer à craindre, à lutter, à souffrir !…

Malgré la pureté candide de ta vie,
Les perfides regards, les impudents discours
De la haine menteuse et de la sotte envie
Ont dû jeter déjà leur venin sur tes jours…

Si, dès les premiers pas, ton âme s’est blessée
Aux buissons épineux qui bordent tout chemin,
Et si, dès le début du voyage, lassée,
Tu pleures sur hier et trembles pour demain,

Que l’Ange bienfaisant, dont la main secourable
Peut étendre les plis de ses voiles épais
Sur les réalités d’un monde misérable,
Plane sur toi ! Ma pauvre enfant, sommeille en paix !