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Page:Collin - Trente poésies russes, 1894.djvu/78

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TRENTE POÉSIES RUSSES


« Je sais que votre vie est faite de gaîté ;
Je sais que le soleil, aux champs, n’est point avare
Des vivaces trésors de sa chaude clarté,
Et que de tous ses dons, sans compter, il vous pare.

« Je le sais. Et j’aurais, sans doute, un peu le droit,
Ô mes charmantes sœurs, de vous porter envie.
Mais non. Je veux rester en ce grillage étroit
Aussi longtemps que Dieu me laissera la vie.

« Soyez belles, mes sœurs ; faites épanouir
Vos grâces aux rayons dont le ciel vous inonde ;
Fleurissez, embaumez, mes sœurs, pour réjouir
De vos subtils parfums les heureux de ce monde.

« Moi, dans ce coin maussade et noir, je fleurirai
Pour le triste captif qui gémit dans l’épreuve,
Sans soleil, lui non plus ; pour le désespéré
Dont rien ne vient jamais consoler l’âme veuve.