Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/118

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— Une opinion très-arrêtée, répondis-je ; l’histoire de l’enfant, autant que je puis croire, est basée sur un fait réel… J’avoue que je tiens beaucoup à voir le monument élevé sur la fosse de mistress Fairlie, et à examiner le terrain qui l’avoisine.

— Vous verrez cette tombe…

Après m’avoir ainsi répondu, et tout en marchant à côté de moi, elle garda un instant le silence, absorbée dans ses réflexions.

— Ce qui est arrivé dans cette école, reprit-elle, m’avait si bien fait oublier la lettre, que j’ai quelque peine à revenir là-dessus. Ne devons-nous pas renoncer à continuer notre enquête, et attendre tout simplement jusqu’à demain pour en confier la suite à M. Gilmore ?

— En aucune façon, miss Halcombe ; ce qui est arrivé à l’école m’encourage, au contraire, à persévérer dans nos investigations.

— D’où vient que cela vous encourage ?

— Parce que cela vient à l’appui d’un soupçon que j’ai conçu au moment où vous me donniez la lettre à lire.

— Vous avez eu probablement de bonnes raisons, monsieur Hartright, pour me dissimuler jusqu’ici ce soupçon ?

— Je craignais, je vous l’avoue, de m’y trop laisser aller : je le supposais complètement absurde, je m’en méfiais, comme résultant peut-être de quelque infirmité d’imagination. Il m’est impossible, maintenant, de l’envisager ainsi. Non-seulement les réponses de l’enfant lui-même à vos questions, mais, de plus, une expression tombée par hasard des lèvres de l’instituteur, tandis qu’il commentait cette histoire, ont imposé de nouveau cette idée à mon esprit. Les événements à venir peuvent bien encore, miss Halcombe, renvoyer cette idée dans le pays des chimères ; mais, en ce moment, j’ai la ferme conviction que le prétendu fantôme du cimetière ne fait, avec l’auteur de la lettre anonyme, qu’un seul et même personnage…

Elle s’arrêta, pâlit, et me regarda en face avec émotion.