Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/136

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de telle sorte que par surprise, l’aveu de cette démarche échappât à ses lèvres.

— Miss Fairlie, lui dis-je, n’est, ce matin, ni bien portante, ni heureuse…

Ici elle murmura quelques mots, mais si bas, et d’une façon si peu intelligible, que je ne pus pas en deviner le sens, même par à peu près.

— Ne me demandiez-vous pas, repris-je, pourquoi miss Fairlie n’était, ce matin, ni heureuse, ni bien portante ?

— Non, répliqua-t-elle vivement et avec émotion. Oh, non ! je n’ai pas fait cette question.

— Je vous le dirai donc sans vous laisser l’ennui de me questionner… Miss Fairlie a reçu votre lettre…

Elle était, depuis déjà quelque temps, à genoux et fort occupée, tout en causant, à effacer les dernières souillures qui défiguraient encore l’épitaphe. La première des deux phrases que je venais de lui décocher lui avait fait suspendre son travail, et, toujours à genoux, tourner lentement la tête de mon côté. La seconde, littéralement, la pétrifia. Le linge qu’elle tenait tomba de ses mains ; ses lèvres s’ouvrirent ; le peu de couleur qui restât à ses joues en disparut à l’instant.

— Comment savez-vous ?… dit-elle avec effort, qui vous l’a montrée ?… Ici le sang afflua sur son visage, — comme affluait dans son esprit la conviction qu’elle venait de se trahir par ses propres paroles. Elle frappa désespérément ses mains l’une contre l’autre : — Je n’ai pas écrit… jamais !… jamais !… disait-elle à mots entrecoupés, l’effroi lui ôtant la respiration… Je ne sais rien de tout cela, moi !…

— Si, repris-je… Vous avez écrit, et vous savez parfaitement ce qui en est… Il était mal d’envoyer une pareille lettre… mal d’effrayer miss Fairlie. Si vous aviez à lui dire quelque chose d’indispensable et qu’il lui fût utile d’entendre, il fallait vous rendre vous-même à Limmeridge-House… Vous auriez parlé en personne à la jeune…

Elle se réfugia, se ramassant sur elle-même, sous la