Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/157

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lui et des sujets qu’il traitait avec une faconde surabondante. Mes deux dernières heures de promenade solitaire m’avaient laissé sous une influence encore active. J’avais arrêté dans mon esprit le projet de hâter mon départ. Pourquoi prolonger inutilement, fût-ce d’une minute, la dure épreuve des adieux ? À qui désormais ma présence pouvait-elle servir ? En continuant à séjourner plus longtemps dans le Cumberland, je perdais mon temps purement et simplement ; et comme aucune limite n’était fixée dans le congé que j’avais obtenu de mon patron, pourquoi ne pas en finir, et ne pas en finir à l’heure même.

Je m’y décidai. Il restait encore quelques heures de jour, et nulle raison n’existait pour m’empêcher de reprendre, dès cette après-midi même, la route de Londres. Je saisis donc le premier prétexte qui s’offrit à moi pour me défaire poliment de M. Gilmore, et rentrer aussitôt à la maison.

En remontant dans mon appartement, je rencontrai sur l’escalier miss Halcombe. Elle vit, à la hâte de mon allure, au changement de mes manières, que j’avais en vue quelque nouvel objet, et me demanda ce qui était arrivé.

Je lui fis connaître exactement, dans les termes que je viens d’employer, les motifs qui m’avaient fait songer à précipiter mon départ.

— Non, non, dit-elle, avec une insistance presque tendre ; quittons-nous comme des amis se quittent ; rompez avec nous le pain, une fois encore. Restez à dîner, restez, et tâchons de rendre la dernière soirée que nous passons ensemble aussi joyeuse, aussi pareille aux premières que nous pourrons y parvenir. Je vous le demande ; mistress Vesey, vous le demande aussi… Puis elle ajouta, non sans avoir hésité : — Laura se joint également à cette invitation…

Je promis alors de ne pas partir. Dieu sait que je ne voulais laisser, à aucune d’elles, même l’ombre d’une impression pénible.

Nulle part mieux que dans mon atelier, je ne pouvais