Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous avez mérité, noblement mérité tout ce que je pourrai faire pour vous, aussi longtemps que nous vivrons l’un et l’autre. Quelle que soit la fin de tout ceci, vous en serez certainement informé.

— Et si jamais je pouvais encore vous être utile, n’importe comment et n’importe quand… lorsque tout souvenir de ma présomption et de ma folie sera effacé…

Je ne pus rien ajouter. La voix me manqua, et mes yeux se mouillèrent en dépit de moi-même.

Elle me prit par les deux mains, — elle les pressa dans une forte et virile étreinte, — ses yeux noirs brillèrent, — son teint brun s’anima de teintes enflammées, — sa physionomie énergique s’embellissant des purs reflets de la générosité qui échauffait son âme.

— Oui, dit-elle, je me fierai à vous si jamais cette heure sonne ; je me fierai à vous comme à « mon » ami et à « son » ami, comme à « mon » frère et à « son » frère…

Elle s’arrêta, elle m’attira vers elle, l’intrépide et noble créature, et, comme ma sœur eût pu le faire, toucha mon front de ses lèvres… M’appelant ensuite par mon nom de baptême :

— Dieu vous protège, Walter, me dit-elle : demeurez ici, et calmez-vous ; j’aime mieux pour tous deux ne pas rester avec vous. C’est du balcon que je vous verrai partir…

Elle quitta la salle. Je me détournai vers la fenêtre, où je n’avais en face de moi qu’un paysage d’automne, triste et désert ; — j’y restai pour maîtriser mes sensations, avant de quitter, moi aussi, cette salle, et de « la » quitter à jamais.

Une minute s’était écoulée, — peut-être, mais j’en doute, un peu plus d’une minute, — lorsque j’entendis la porte se rouvrir doucement, et le frissonnement d’une robe de femme, traînant sur le tapis, se rapprocha de mon côté. Mon cœur battait violemment lorsque je me retournai. De l’autre extrémité de la galerie, miss Fairlie venait à moi.

Elle s’arrêta, hésitante, quand nos yeux se rencontrè-