Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/196

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famille jugèrent tous plus ou moins déraisonnable une rancune si durement manifestée. Sans pouvoir passer pour riche, le comte Fosco n’était pas non plus un aventurier sans le sou, il avait à lui un revenu médiocre, mais suffisant ; il vivait depuis des années en Angleterre, et s’était fait accepter dans la société sur un pied fort honorable. Ces diverses recommandations, cependant, ne lui servaient de rien auprès de M. Philip Fairlie. La plupart des opinions de ce dernier faisaient de lui un Anglais de la vieille école, et il détestait un étranger, purement et simplement comme étranger. Tout ce qu’on put obtenir de lui, dans les années qui suivirent, — et il céda principalement, en ceci, à l’intercession de miss Fairlie, — fut de replacer le nom de sa sœur, comme il l’était jadis, parmi ceux de ses légataires ; encore ajourna-t-il pour elle le bénéfice du legs, en attribuant à sa fille, pour aussi longtemps qu’elle vivrait, le revenu des sommes dont il se composait ; le capital lui-même, si la tante prédécédait la nièce, devant passer à la cousine Magdalen. Vu l’âge relatif des deux femmes, il était fort douteux que, — dans l’ordre naturel des choses, — la tante reçût jamais ses dix mille livres, et madame Fosco, aussi injuste qu’on l’est ordinairement en pareille circonstance, crut devoir se venger du procédé fraternel en refusant de voir sa nièce, dont elle niait obstinément, d’ailleurs, l’intervention bienveillante.

Telle était l’histoire des dix mille livres sterling. Là-dessus encore, je ne pouvais avoir aucune difficulté avec l’homme de loi chargé des intérêts de sir Percival. Le revenu appartiendrait à sa femme, et le capital, lorsqu’elle viendrait à mourir, passerait, suivant l’occurrence, soit à la tante Éléanor, soit à la cousine Magdalen. Après m’être débarrassé de toutes ces explications préliminaires, j’en viens enfin à ce qui est réellement le nœud de la question, — savoir : les vingt mille livres sterling.

Cette somme était, à partir de sa majorité, la propriété absolue de miss Fairlie, et la disposition qu’elle en pourrait faire à l’avenir dépendait entièrement des conditions