Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/20

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nageur semblaient lui revenir aussi. Dès que le claquement de ses dents lui permit de reprendre la parole, il me dit, avec un vague sourire, « que sans doute une crampe lui avait joué ce tour-là. »

Tout à fait remis, et quand il fut revenu me trouver sur le rivage, sa nature méridionale, expansive et chaude, fit tout à coup irruption à travers les barrières de notre étiquette anglaise. Il m’accabla des témoignages de l’affection la plus désordonnée, — s’écria passionnément, avec toute l’exagération italienne, que dorénavant sa vie était à ma disposition, — et déclara qu’il ne connaîtrait jamais de bonheur que s’il trouvait une occasion de me prouver sa reconnaissance par quelque service dont, à mon tour, je serais tenu de me souvenir jusqu’à ma dernière pensée.

Je fis mon possible pour arrêter le débordement de ses larmes et de ses protestations, en m’obstinant à traiter toute cette aventure comme un bon sujet de plaisanterie ; et je réussis enfin (du moins me le figurais-je), à diminuer l’écrasant fardeau de reconnaissance que Pesca se voulait mettre sur les épaules. Je ne prévis guère alors, — je ne prévis guère ensuite, notre voyage de plaisir achevé, — que l’occasion de me servir, si ardemment désirée par mon reconnaissant compagnon, allait bientôt se présenter ; — qu’il la saisirait à l’instant même ; — et qu’en agissant de la sorte, il modifierait, du tout au tout, mon existence entière et moi-même.

Pourtant, rien de plus certain. Si je n’avais point plongé après le professeur Pesca, étendu sous l’eau parmi les cailloux et les coquillages, je ne me serais jamais trouvé, selon toute probabilité humaine, mêlé aux événements dont ces pages renferment le récit ; — jamais peut-être je n’aurais même entendu le nom de la femme qui a vécu dans toutes mes pensées, qui s’est emparée de toutes mes facultés, et sous la dominante influence de qui je marche maintenant vers l’unique but de ma vie.