— Je me dégraderais bien autrement si j’obtenais ma liberté en lui faisant un mystère de ce qu’il a droit de savoir.
— Il n’a pas l’ombre d’un droit à savoir cela !
— Vous avez tort, Marian, vous avez tort !… Je ne dois tromper personne, — et, moins que personne, l’homme à qui mon père m’a donnée, à qui je me suis donnée moi-même… — Un baiser, ici, rapprocha ses lèvres des miennes… — Ma bien chérie, dit-elle avec douceur, vous m’aimez tellement, vous êtes si fière de moi, que vous oubliez pour mon compte ce que vous n’oublieriez jamais pour le vôtre. Que sir Percival mette en doute les motifs qui me dirigent et, s’il le veut, porte sur moi un jugement défavorable, cela vaut mieux que si, après lui avoir été infidèle par la pensée, j’avais la bassesse de lui cacher cette infidélité, en vertu d’un calcul personnel…
Dans mon premier mouvement de surprise, je l’écartai de moi pour la contempler à l’aise. Nos rôles étaient changés, et c’était la première fois : toute la résolution était chez elle, toutes les hésitations étaient chez moi. J’examinais avec étonnement ce jeune visage, pâle, tranquille et résigné ; dans ces yeux levés tendrement vers moi, je voyais resplendir l’innocence et la pureté d’un cœur intact ; aussi les restrictions, les objections mondaines qui se pressaient sur mes lèvres s’effaçaient-elles peu à peu, absorbées dans leur propre néant. Je courbais la tête sans trouver un mot à dire. À sa place, — j’étais forcée de l’avouer, — j’aurais obéi au méprisable petit orgueil qui fait mentir tant de femmes, et j’aurais menti comme elles.
— Ne vous fâchez pas contre moi, Marian, dit-elle, se méprenant à mon silence.
Je ne répondis qu’en la pressant de nouveau sur ma poitrine. Je craignais d’éclater en pleurs si j’essayais de parler. Or, mes larmes ne coulent pas aussi facilement que je le voudrais ; — ce sont des larmes d’homme, accompagnées de sanglots convulsifs, sujet de terreur pour qui me voit pleurer.
— Voici bien des jours, ma bonne chérie, bien des