Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/227

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nom, ce que je ne pourrai jamais lui dire moi-même, — dites-lui que je l’ai bien aimé !…

Elle avait jeté ses bras autour de mon cou ; elle murmura ces derniers mots à mon oreille, prenant à les prononcer un plaisir passionné qui me déchira presque le cœur. La longue contrainte qu’elle s’était imposée disparut devant ce premier élan de tendresse qui devait être aussi le dernier. Elle s’arracha de mes bras avec une véhémence convulsive, et se jeta sur le canapé, dans un paroxysme de sanglots et de pleurs qui la secouait de la tête aux pieds.

Vainement essayai-je de la calmer, de la raisonner ; ni les consolations, ni le raisonnement n’avaient plus aucune prise sur elle. Ainsi s’acheva pour nous deux, tristement, soudainement, cette mémorable journée. Lorsque l’accès nerveux se fut usé de lui-même, ma sœur se trouva trop épuisée pour parler. Elle tomba dans une espèce de sommeil qui dura une partie de l’après-midi ; je pris l’album de dessins pour qu’à son réveil, elle ne le retrouvât plus sous ses yeux. Lorsqu’ils se rouvrirent, lorsqu’ils vinrent chercher les miens, quel que pût être l’état de mon cœur, ma figure demeura calme. Nous n’échangeâmes pas une parole qui eût trait à la pénible conférence du matin. Le nom de sir Percival ne fut pas prononcé. Ni l’une ni l’autre, pendant le reste du jour, ne fîmes la moindre allusion à Walter Hartright.

« 10 novembre. » — La trouvant, ce matin, tout à fait calme, tout à fait elle-même, je suis revenue sur les tristes incidents d’hier, uniquement pour la supplier de me laisser parler à sir Percival et à M. Fairlie, vis-à-vis desquels je pourrais m’expliquer plus clairement, plus fortement qu’elle-même au sujet de son lamentable mariage. Avec douceur, mais avec fermeté, ma sœur a coupé court à mes remontrances.

— C’est hier qui devait décider, m’a-t-elle dit, et hier, en effet, s’est prononcé. Il est trop tard pour revenir sur ses pas…

Sir Percival m’a parlé, cette après-midi, de ce qui