Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/252

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en est ainsi, l’accès m’a déjà quittée, et m’a laissée dans un singulier état d’esprit. Une idée persistante s’est imposée à moi, et depuis hier ne me quitte plus : c’est qu’il doit encore arriver quelque chose qui mettra obstacle au mariage. D’où me vient cette fantaisie bizarre ? Est-ce le résultat indirect de mes craintes pour l’avenir de Laura ? ou bien m’a-t-elle été suggérée, à mon insu, par l’instabilité, l’irritabilité toujours croissantes que je suis certaine d’avoir remarquées chez sir Percival, à mesure que, de plus en plus, le jour du mariage se rapproche ? Impossible de répondre à ces questions. Je sais que j’ai cette idée, — à coup sûr la plus étrange, vu les circonstances, qui soit jamais entrée dans la tête d’une femme ; — mais, tels efforts que je fasse, je ne puis en découvrir l’origine.

Cette dernière journée n’a été que confusion et ennuis. Comment puis-je me résoudre à la raconter ? Et, cependant, encore faut-il que j’écrive. Toute occupation me sera meilleure que l’éternel ressassement de mes tristes pensées.

La bonne mistress Vesey, que nous avons tous beaucoup trop négligée, beaucoup trop oubliée, dans ces derniers temps, a déjà, sans le vouloir, attristé notre matinée. Depuis des mois, elle fabriquait secrètement un grand châle, bien chaud, en laine des Shetland, pour son élève chérie ; — ouvrage d’une beauté remarquable, qu’on n’aurait jamais pu attendre d’une femme aussi âgée, et d’habitudes aussi indolentes.

C’est ce matin qu’elle a offert son cadeau, et notre pauvre Laura, dont le cœur est si chaud, la reconnaissance si prompte et si vive, n’a pu résister à son émotion, lorsque avec un tendre orgueil, cette vieille amie, si fidèle gardienne de l’enfant qui n’avait plus de mère, est venue poser sur ses épaules ce châle merveilleux. À peine avais-je eu le temps de les calmer toutes deux, et de sécher moi même mes yeux humides, que M. Fairlie m’a fait chercher, pour me régaler du long récit de toutes les précautions qu’il avait prises, pour s’assurer un peu de tranquillité pendant la journée des noces.