geant autant que possible la durée du voyage, je rapportai la pauvre bête au château.
Comme je ne trouvai personne sous le vestibule, je montai immédiatement chez moi ; j’arrangeai pour le chien une espèce de couchette au moyen d’un de mes vieux châles, et finalement je sonnai pour qu’on vînt à mon aide. Une fille de service, des plus épaisses et des plus grasses que l’on puisse inventer, accourut à ce signal, dans un état de stupidité gaie qui aurait poussé à bout la patience d’un saint. Une large grimace, ce qu’elle prenait pour un sourire, s’inscrivit sur l’informe embonpoint de ses joues, quand elle vit, étendu à terre, l’animal blessé.
— Que voyez-vous là de risible ? lui dis-je avec autant de colère que si elle eût été à mon service. Savez-vous, par hasard, à qui est ce chien ?
— Non, miss, pour sûr et certain, je n’en sais pas le premier mot… Elle en resta là, et regarda la blessure que l’épagneul avait au flanc ; — tout à coup une nouvelle idée vint éclairer sa physionomie, — et montrant la plaie avec un sourire de satisfaction : — C’est Baxter dit-elle… c’est certainement Baxter qui a fait cela !…
Elle m’exaspérait tellement, que je l’aurais volontiers régalée d’une paire de soufflets… — Baxter ?… lui dis-je ; quelle est la bête brute que vous appelez Baxter ?…
Plus joyeuse que jamais, cette fille grimaça de plus belle… — Bénédiction du ciel, miss ! Baxter est le garde-chasse ; et quand il trouve des chiens étrangers courant la forêt, il tire dessus. C’est le devoir du garde, miss… Je crois bien que ce chien va mourir… C’est bien là le coup qu’il a reçu, pas vrai ?… c’est de la façon de Baxter, j’en réponds… et il ne fait que son devoir, miss…
Je me sentais assez de malice au cœur pour souhaiter intérieurement que Baxter eût tiré sur la fille de service, au lieu de tirer sur le chien. Et comme il était tout à fait inutile d’attendre de cette personne épaisse et de dure écorce, aucun secours en faveur du pauvre animal qui agonisait à nos pieds, je la priai de m’aller chercher la femme de charge, avec tous les compliments requis par