Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/322

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Je me dressai en pieds aussi soudainement que s’il m’eût frappée. Que n’étais-je un homme ! Je l’aurais abattu sur le seuil de sa porte, et j’aurais quitté sa maison pour n’y remettre jamais les pieds à aucun prix. Mais je n’étais qu’une femme, et j’avais pour Laura un attachement si profond !

Dieu merci, cette tendresse fidèle me vint en aide, et je me rassis sans avoir prononcé un seul mot. « Elle » savait, du reste, ce que je venais de souffrir et de contenir. Elle accourut vers moi, ses yeux ruisselant de larmes.

— Marian ! murmurait-elle à mon oreille ; ma mère si elle eût vécu, n’aurait pu faire mieux pour moi.

— Revenez signer ! lui cria sir Percival, de l’autre côté de la table.

— Faut-il ? me demanda-t-elle à l’oreille. Si vous le voulez, je signerai.

— Non, répondis-je. Le droit et la raison sont de votre côté ; — ne signez rien que vous n’ayez lu d’abord.

— Revenez signer !… réitéra son mari, de sa voix la plus haute et la plus irritée.

Le comte, qui nous avait contemplées toutes deux avec une muette et profonde attention, s’interposa une seconde fois.

— Percival ! dit-il, je n’oublie pas, « moi », que je suis devant des dames. Soyez assez bon, je vous prie, pour vous en souvenir…

Sir Percival se tourna vers lui comme suffoqué par la colère, et ne pouvant plus articuler un mot. La main du comte, posée sur son épaule, y resserrait graduellement son étreinte, et la voix du comte, parfaitement posée, répétait avec calme : — Soyez assez bon, je vous prie, pour vous en souvenir aussi…

Ils se contemplèrent ainsi l’un l’autre pendant un instant. Sir Percival, ensuite, détourna lentement son visage pour le dérober aux yeux du comte ; pendant un instant, il abaissa vers le parchemin posé sur la table un regard où le mécontentement se peignait encore ; et il reprit enfin la parole, avec la sournoise soumission de l’animal dompté.