Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/333

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jetai ma lettre dans la boîte et me mis ensuite à sa disposition. Elle prit mon bras avec une cordialité, une familiarité inusitées, et au lieu de me conduire en quelque chambre vide, m’entraîna doucement avec elle vers ce gazon qui forme ceinture autour du bassin de la cour.

Quand nous passâmes devant le comte, sur le perron, il salua, sourit, et rentra tout aussitôt dans la maison, poussant après lui, mais sans la fermer positivement, la porte du vestibule.

La comtesse me fit faire, à très-petits pas, le tour du grand bassin. Je m’étais attendue à quelque confidence extraordinaire, et m’étonnai de voir que la communication solennelle de madame Fosco se bornait à m’assurer poliment de la sympathie que je lui inspirais depuis la scène de la bibliothèque. « Son mari lui avait parlé de tout ce qui s’y était passé, et de la conduite insolente que sir Percival avait tenue envers moi. Elle en était si choquée, si peinée, pour mon compte et pour celui de Laura, qu’elle avait arrêté, si quelque chose de pareil arrivait encore, de marquer, en quittant le château, sa désapprobation des procédés de sir Percival. Le comte avait approuvé son idée ; elle espérait bien que je l’approuverais à mon tour. »

Je trouvais la démarche assez singulière de la part d’une personne aussi remarquablement réservée que l’était madame Fosco, — et surtout après les paroles un peu vives que nous avions échangées, le matin même, durant la conversation tenue au bord du lac. Néanmoins, mon devoir était bien clairement d’accueillir avec une courtoisie affectueuse les avances cordiales et polies d’une femme plus âgée que moi. Je répondis en conséquence à la comtesse sur le ton qu’elle avait pris ; et jugeant ensuite que, de part et d’autre, tout le nécessaire était dit, j’essayai de rentrer au château.

Mais madame Fosco paraissait résolue à ne point se séparer de moi, et, — ce qui m’étonna bien davantage, — résolue à bavarder. Elle, jusqu’alors la plus silencieuse des femmes, me poursuivait maintenant de lieux communs, abondamment développés, sur les rapports des