en quête. Si je savais où trouver Anne Catherick, je me lèverais demain à l’aurore pour aller l’avertir.
Tandis que je ne devinais que trop bien comment l’attitude présente de sir Percival devait être interprétée, le comte, en revanche, m’apparaissait sous un jour entièrement nouveau pour moi. Ce soir, pour la première fois, il m’a permis de l’entrevoir dans le rôle d’un homme sensible ; — je ne raille pas ; car, autant que je puis croire, les sentiments dont je parle étaient réels, et non joués.
Par exemple, il était calme et un peu abattu ; ses yeux, sa voix exprimaient une compassion dont il contenait l’élan. Il portait (comme en vertu de quelque rapport caché entre son élégance la plus voyante et ses sentiments les plus profonds) le plus magnifique gilet dans lequel nous l’eussions vu encore, — étoffe de soie d’un vert de mer très-pâle, délicatement ornée de belles tresses d’argent. Sa voix descendait aux inflexions les plus tendres ; son sourire trahissait une admiration, une préoccupation toutes paternelles chaque fois qu’il s’adressait à Laura ou à moi. Il pressa, sous la table, la main de sa femme, dans un moment où elle le remerciait de quelques menues prévenances qu’il avait eues pour elle. Ils échangèrent un toast conjugal : — À votre santé, à votre bonheur, cher ange ! disait-il avec un regard humide et tendre. Il ne mangeait presque rien, et il soupirait, et il répondait : « Mon bon Percival ! » quand son ami se moquait de lui. Après le dîner, il prit Laura par la main, et lui demanda si elle voudrait bien « lui procurer la douceur d’entendre un air joué par elle ? » Par pur étonnement, elle céda. Il s’assit près du piano, tandis que sa chaîne de montre reposait en plis nombreux, comme un serpent aux écailles dorées, sur la verte protubérance de son gilet. Sa tête énorme penchait languissamment d’un côté, et deux de ses doigts d’un blanc jaunâtre battaient doucement la mesure. Il apprécia hautement le choix de la musique, et admira le jeu de ma sœur, non, comme le pauvre Hartright, avec un innocent plaisir puisé à la source de la mélodie, mais avec le goût, la science pratique d’un vrai connaisseur, apte à se