Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/385

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être dorénavant adressée à son maître. Je tournai le dos à cette péronnelle, et descendis immédiatement pour chercher ce digne patron. Je le dis à regret, ma résolution de conserver mon sang-froid malgré tous les motifs d’irritation que sir Percival pourrait me donner, cette résolution si sage était, en ce moment, aussi complètement oubliée que si je ne l’eusse jamais prise. Du reste, — après tout ce que j’avais souffert et contenu, dans cette maison, — je trouvais un véritable bien-être à me sentir si en colère.

Le salon et la salle du déjeuner étaient vides l’un comme l’autre. Je me rendis dans la bibliothèque ; et là je trouvai, avec madame Fosco, sir Percival et le comte. Tous trois étaient debout, fort près l’un de l’autre, et sir Percival tenait à la main une petite bande de papier. Au moment où j’ouvris la porte, j’entendis le comte qui lui disait : — Non !… mille fois non !…

J’allai droit au maître du château, et, le regardant bien en face :

— Dois-je comprendre, sir Percival, lui demandai-je, que l’appartement de votre femme est une prison, et que cette prison a pour geôlière la fille de service chargée de vos ordres ?

— Oui, c’est là justement ce qu’il vous faut comprendre, me répondit-il. Et prenez garde que ma geôlière ne reçoive double consigne ! prenez garde que votre chambre aussi ne se change en prison !

— Prenez garde, vous, à vos procédés envers votre femme !… et prenez garde à vos menaces contre moi ! dis-je, éclatant tout à coup dans le premier feu de ma colère. L’Angleterre a des lois qui protègent les femmes contre l’insulte et la cruauté. Si vous faites tomber un cheveu de la tête de Laura, si vous osez empiéter sur ma liberté, advienne que pourra, j’en appelle immédiatement à ces lois !

Au lieu de me répondre, il se tourna vers le comte.

— Que vous disais-je ? demanda-t-il. Et, maintenant, qu’en dites-vous ?

— Ce que j’en ai déjà dit, répondit le comte : Non, encore une fois.