Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/41

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M. Fairlie, se rencontrant sur les lèvres de mon étrange compagne, venait me frapper comme un coup de massue.

— Est-ce que vous avez entendu crier après nous ? me demanda-t-elle, jetant ses regards dans toutes les directions, quand elle me vit faire halte.

— Non, non !… j’ai seulement été frappé par ce nom de Limmeridge-House. Il y a quelques jours à peine, certaines gens du Cumberland le mentionnaient devant moi.

— Ah ! ces gens-là n’étaient pas les « miens » mistress Fairlie est morte ; son mari est mort ; leur petite-fille doit être depuis longtemps mariée et partie. Je ne saurais dire qui habite maintenant Limmeridge. Je sais seulement que, s’il y reste encore quelques personnes de cette famille, je m’intéresse à elle pour l’amour de mistress Fairlie…

Elle semblait sur le point d’en dire plus long ; mais, tandis qu’elle parlait encore, nous arrivâmes en vue de la barrière qui forme l’extrémité de « l’Avenue-road. » Sa main se serra autour de mon bras, et elle jeta un regard inquiet sur l’obstacle qui se dressait devant nous.

— Est-ce que le garde-barrière nous guette ? demanda-t-elle.

Le garde-barrière songeait à tout autre chose ; personne, d’ailleurs n’était dans le voisinage, quand nous franchîmes la porte. La vue des maisons et des réverbères à gaz sembla tout aussitôt l’agiter et la rendre impatiente.

— Voici Londres !… dit-elle. Apercevez-vous quelque voiture dans laquelle je puisse monter ?… Je suis fatiguée… J’ai peur… J’ai besoin de m’enfermer quelque part et de me sentir entraînée…

Je lui expliquai que, pour arriver à une station de cabriolets, il faudrait encore marcher quelque temps à moins que nous n’eussions la bonne fortune de rencontrer une voiture vide. Puis j’essayai de lui parler du Cumberland, de reprendre la conversation interrompue… ce fut inutile. L’idée de « s’enfermer quelque part et d’être entraînée » s’était absolument emparée de son