Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/564

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suite desquelles mistress Rubelle s’était trouvée là, tout à point pour lui servir de femme de chambre.

Le souvenir, gardé par elle, de ce qui lui était arrivé le lendemain matin, plus vague encore et plus décousu, n’offrait aucune espèce de consistance.

Elle avait comme une idée confuse d’être sortie en voiture (sans pouvoir dire à quelle heure) avec le comte Fosco, et, derechef, avec mistress Rubelle en guise de suivante. Mais elle ne pouvait dire ni quand ni pourquoi elle avait quitté mistress Vesey ; elle ne savait pas davantage dans quelle direction la voiture avait marché, ni où elle l’avait descendue, ni si le comte et mistress Rubelle étaient restés avec elle, pendant tout la durée du voyage. À cet endroit, son triste récit subissait une lacune absolue. Elle n’avait plus à communiquer aucune impression, même des plus légères ; elle ne s’était pas rendu compte s’il s’était passé alors un ou plusieurs jours avant, qu’elle revînt brusquement à elle, dans un endroit inconnu, où elle se retrouva entourée de femmes qu’elle voyait toutes pour la première fois de sa vie.

C’était l’hospice. Là, pour la première fois, elle s’entendit donner le nom d’Anne Catherick ; et là, — dernière circonstance à noter dans l’histoire de cet odieux complot, — elle put s’assurer, de ses propres yeux, qu’elle portait les vêtements d’Anne Catherick. En l’installant dans sa cellule, dès le premier soir passé à l’hospice, la gardienne, à mesure qu’elle la déshabillait, lui avait montré sur chaque pièce de son costume, l’une après l’autre, la marque qui y était inscrite ; et, sans se fâcher autrement, sans aucune aigreur : — Voyez vous-même, lui avait dit cette femme, voyez votre nom sur vos vêtements, et ne venez pas ensuite nous répéter sans cesse que vous êtes lady Glyde ! Elle est morte et enterrée ; vous êtes vivante, et vous vous portez bien. Voyez plutôt les objets dont vous êtes habillée ; voilà votre nom écrit dessus, tout au long, en bonne encre à marquer, et vous le retrouverez, ce nom, sur tous vos anciens effets que nous avons gardés à l’établissement. — « Anne Catherick »,