Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/62

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sez-nous, Louis !… Eh bien ! eh bien ! animal, ne voyez-vous pas que je tiens mes tablettes ?… Est-ce que vous croyez que j’ai encore affaire d’elles ?… Pourquoi ne pas m’en débarrasser sans que j’aie besoin de vous le dire ?… Mille pardons, monsieur Hartright ; ces domestiques sont si stupides, n’est-ce pas ? Dites-moi, que pensez-vous de ces dessins ?… Ils me sont venus de la vente dans un état déplorable ; — la dernière fois que je les ai examinés, il me semblait s’en exhaler je ne sais quelle horrible odeur de marchands et de courtiers… Est-ce que vous « pourriez » vous charger de les remettre en état ?…

Bien que mes nerfs ne fussent pas assez délicats pour découvrir cette odeur de doigts plébéiens qui avait offusqué les narines de M. Fairlie, mon éducation d’artiste était assez perfectionnée pour me mettre en état d’apprécier la valeur des dessins que j’examinai l’un après l’autre. C’étaient, pour la plupart, de magnifiques échantillons de l’aquarelle anglaise, et leur ancien possesseur ne leur avait certainement pas rendu justice en leur accordant si peu de soins.

— Ces dessins, répondis-je, demandent à être recollés et montés avec précaution ; et, selon moi, ils valent bien…

— Pardon, interrompit M. Fairlie, si je ferme les yeux pendant que vous parlez ; n’y faites pas attention !… Le jour, même adouci comme il l’est, me fatigue… Vous disiez ?…

— J’allais dire que ces dessins valent bien le temps et la peine…

M. Fairlie rouvrit tout à coup ses yeux, dont le regard, exprimant une alarme indicible, se dirigea du côté de la fenêtre.

— Veuillez m’excuser, monsieur Hartright, dit-il avec un trouble discrètement contenu…, bien certainement j’entends au jardin…, dans mon jardin particulier…, quelques-uns de ces affreux gamins.

— Je ne sais, monsieur Fairlie… Je n’ai, moi-même, rien entendu.

— Faites-moi le plaisir, — vous avez déjà été si bon pour mes pauvres nerfs, — faites-moi le plaisir de soule-