Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/636

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de ses nouvelles, je pourrais compter que rien de mal n’était arrivé ; mais la première fois que le courrier du matin ne m’apporterait aucune lettre, je partirais pour Londres sans autre avis, et par le premier train disponible. Je parvins à faire accepter à Laura la pensée de mon départ, en lui disant que j’allais à la campagne chercher des acheteurs pour ses dessins et les miens ; je la laissai fort occupée et tout heureuse. Marian m’accompagna jusqu’à la porte de la rue.

— Rappelez-vous, me dit-elle tout bas dans le corridor, rappelez-vous quels cœurs inquiets vous laissez ici ; rappelez-vous toutes les espérances attachées à votre retour sain et sauf ! Si des accidents imprévus viennent traverser ce voyage ; si vous vous rencontrez avec sir Percival…

— Qui peut vous faire songer à une pareille rencontre ? lui demandai-je.

— Est-ce que je sais, moi ?… J’ai des craintes et des imaginations dont je ne puis rendre compte. Riez-en, Walter, si vous voulez !… mais, pour l’amour de Dieu, si vous vous trouvez en contact avec cet homme, demeurez maître de vous !

— Ne craignez rien, Marian ; je vous réponds de mon empire sur moi-même…

Ce fut sur ces mots que nous nous quittâmes.

Je pris une allure très-rapide pour me rendre à la station. Il y avait en moi je ne sais quelle ardeur et quel éclat d’espérance ; dans mon esprit grandissait la conviction que mon voyage, cette fois, ne serait pas vainement entrepris. La matinée était belle, lumineuse et froide ; mes nerfs en étaient comme remontés, et je sentais palpiter en moi, de la tête aux pieds, l’énergie de ma résolution.

Tandis que je traversais le quai du rail-way, cherchant de droite et de gauche, dans les groupes qui l’encombraient, quelques visages de connaissance, je me demandai tout à coup si je n’eusse pas mieux fait d’adopter quelque déguisement, avant de partir pour le Hampshire. Mais il y avait, selon moi, dans cette idée, quelque chose