Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/646

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Son teint s’animait et ses mains se mettaient à l’œuvre, lissant, de plus belle, sa robe de soie. Je lui serrai le bouton de plus près ; je continuai, sans lui accorder un moment de trêve.

— Sir Percival, lui dis-je, a une grande position dans le monde. Il serait très-concevable qu’il vous fît peur. Sir Percival est un homme puissant, — un baronnet, — propriétaire d’un beau domaine, — le descendant d’une grande famille…

Le soudain éclat de rire que ces mots lui arrachèrent, m’étonna au delà de toute expression.

— Certainement, comment donc ? reprit-elle, sur le ton du mépris le plus amer et le mieux confirmé : un baronnet, — le propriétaire d’un beau domaine, — le descendant d’une grande famille. — Oui vraiment ! une grande famille… Surtout par sa mère…

Je n’avais pas le temps de réfléchir sur les paroles qui venaient de lui échapper ainsi ; mais j’avais celui de comprendre qu’elles étaient dignes d’être méditées quand une fois j’aurais quitté la maison.

— Je ne suis pas ici pour discuter des questions de famille, lui dis-je. Je ne connais rien de la mère de sir Percival…

— Et pas davantage de sir Percival lui-même, interrompit-elle avec aigreur.

— Oh ! quant à cela, ne vous y fiez pas trop, je vous en préviens. Je sais de lui quelques petites choses, et j’en soupçonne bien davantage.

— Que soupçonnez-vous ?

— Je commencerai par vous dire ce que je ne soupçonne pas. Je ne le soupçonne pas d’être le père d’Anne Catherick.

Elle se dressa sur ses pieds, et l’air furieux, vint se placer près de moi :

— Comment osez-vous parler du père de ma fille ? comment vous permettez-vous de dire qui est son père ou qui ne l’est pas ? s’écria-t-elle, son visage frémissant, sa voix tremblant de colère.

— Ce n’est pas ce secret-là, continuai-je, qui vous lie à sir Percival ; le mystère qui obscurcit sa vie ne date