Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/675

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du regard dans la double obscurité de la brume et de la nuit. Avant que j’eusse marché cent pas de plus, il se fit dans la haie, à ma droite, un bruit de feuilles froissées, et trois hommes en sortirent, en sautant sur la route.

À l’instant même, je me jetai de côté sur le trottoir. Les deux hommes lancés en avant me dépassèrent de plusieurs pas avant d’avoir pu se retenir. Le troisième arriva sur moi comme l’éclair. Il s’arrêta, — fit demi-tour, — et me frappa de son bâton. L’atteinte, dirigée un peu au hasard, ne fut pas très-grave. Elle tomba sur mon épaule gauche. Je ripostai par un coup bien appliqué sur la tête de cet homme. Il recula, étourdi, et heurta ses deux compagnons juste au moment où ils se jetaient ensemble sur moi. Cette circonstance heureuse me donnait un instant d’avance. Je me dérobai, les laissant de côté, pour aller reprendre à toute vitesse le milieu de la route.

Les deux hommes intacts se mirent à ma poursuite. Tous deux étaient bons coureurs. La route, droite et unie, offrait peu d’obstacles ; pendant les premières cinq minutes, ou même davantage, je sentis que je ne gagnais rien sur eux. Or, il était périlleux de courir ainsi longtemps dans l’obscurité. C’est tout au plus si je discernais, des deux côtés de la route, la noire silhouette des haies, et le moindre obstacle, laissé par hasard sur le chemin, devait certainement me précipiter à terre. Bientôt, je sentis le sol changer, descendre à un tournant de la route, et se relever un peu au delà. Et descendant, les deux hommes semblèrent se rapprocher, et quand nous remontâmes, je crus m’apercevoir que je les distançais. Le retentissement rapide et régulier de leurs pas m’arrivait moins distinct ; et je calculai, d’après ce bruit, que j’avais assez d’avance pour me jeter à travers champs en me ménageant ainsi la chance que, dans l’obscurité, ils persistassent, du moins un moment, à suivre la route. M’élançant du trottoir, je sautai dans la première brèche que je crus entrevoir, ou plutôt deviner, dans la haie le long de laquelle je courais. Il se trouva que c’était une barrière fixe. Je sautai par-dessus, et me trouvant à l’extré-