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IV


Dix jours après, nous étions plus heureux encore. Nous étions mariés.

Au courant de ce récit que rien ne doit plus arrêter, je me laisse entraîner loin de cette aurore de notre hymen, vers le dénoûment qui se rapproche.

Après une quinzaine de jours écoulés, nous étions tous trois de retour à Londres, et l’ombre menaçante de la lutte à venir se projetait furtive sur nos têtes.

Marian et moi nous eûmes soin de laisser ignorer à Laura la cause de notre prompt retour : — La nécessité de nous assurer du comte Fosco. Le mois de mai venait de commencer, et c’était à la fin de juin qu’expirait le bail de la maison par lui louée dans Forest-Road. S’il le renouvelait (et j’avais quelques raisons, dont je parlerai bientôt, pour prévoir qu’il en serait ainsi), je pouvais être certain qu’il ne m’échapperait pas. Mais si, par hasard, mon attente à ce sujet devait être déçue, et s’il s’apprêtait à quitter le pays, je n’avais pas de temps à perdre, en ce cas, pour m’armer en vue de notre prochain duel.

Dans le premier abandon de ma félicité nouvelle, il y avait eu des heures où ma résolution fléchissait, — des heures où j’étais tenté de ne plus songer qu’à jouir de mon bonheur en toute sécurité, maintenant que la plus chère aspiration de ma vie se trouvait réalisée par le don que Laura m’avait fait de son amour. Pour la première fois, je songeais avec une certaine faiblesse de cœur à la grandeur du péril, aux chances hostiles multipliées contre moi, aux belles promesses de ma vie nouvelle, aux dangers qu’allait courir un bonheur si chèrement acheté par nous tous. Oui ! je l’avouerai sans détour, pendant un laps de temps assez court, je me laissai entraîner, soumis aux douces inspirations de l’amour heu-