Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/814

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arrêté dans mon esprit que Laura ne mettrait pas le pied chez son oncle avant d’y avoir été formellement reconnue comme nièce de l’opulent châtelain. Je laissai Marian régler la question des logements avec mistress Todd, dès que la bonne femme fut un peu remise de la stupéfaction où nous l’avions jetée en lui faisant connaître le but de notre arrivée dans le Cumberland ; et je convins avec le mari que John Owen serait confié à la cordiale hospitalité des domestiques de la ferme. Ces mesures préliminaires ayant été prises, M. Kyrle et moi partîmes ensemble pour Limmeridge-House.

Je ne saurais, en vérité, m’étendre sur les détails de notre entrevue avec M. Fairlie ; car je ne puis en évoquer le souvenir sans un sentiment mêlé d’impatience et de mépris, qui me le rend tout à fait répulsif. Je préfère donc constater simplement que j’en vins à mes fins. M. Fairlie essaya de nous traiter d’après son système habituel. Nous laissâmes passer, sans y prendre garde, les insolentes politesses qui marquèrent de sa part le début de notre conférence. Nous entendîmes ensuite, sans la moindre sympathie, les protestations par lesquelles il voulut nous convaincre que la découverte du complot l’avait littéralement « bouleversé ». Il finit par gémir et se lamenter comme un enfant qu’on tourmente : — « Pouvait-il deviner que sa nièce était vivante, quand on lui disait qu’elle était morte ? Il recevrait avec plaisir la chère Laura, pourvu qu’on lui donnât le temps de se remettre. Nous semblait-il avoir la mine d’un homme dont il faut hâter la fin par des tracasseries perpétuelles ? non, n’est-ce pas ? Eh bien, alors, pourquoi le tracasser ainsi ?… Il réitéra ses doléances, chaque fois que s’en offrit l’occasion, jusqu’au moment où j’y mis un terme en le plaçant résolument entre deux alternatives inévitables. Je lui donnai le choix entre la justice qu’il devait rendre à sa nièce, dans les termes par moi fixés, — ou les conséquences qu’entraînerait pour lui la revendication publique des droits de Laura devant une cour de justice. M. Kyrle, vers lequel il se tournait pour implorer son assistance, lui dit en termes fort nets qu’il fallait tran-