Cependant, miss Halcombe me lisait ces dernières lignes, qu’elle venait de signaler à mon attention :
« … Et maintenant, cher ami, maintenant que je suis au bout de mon papier, je vous dirai le motif vrai, le motif merveilleux de mon affection pour la petite Anne Catherick. Bien qu’elle ne soit pas, il s’en faut, aussi jolie, elle a néanmoins, mon cher Philip, — par une de ces ressemblances capricieuses que l’on rencontre quelquefois, — les mêmes cheveux, le même teint, la même forme de visage et les yeux de la même couleur… »
Avant que miss Halcombe eût pu prononcer un mot de plus, j’étais debout. Sous ma chair venait de passer le même frisson glacé que j’avais éprouvé au contact de cette main qui, naguère, sur la route déserte, effleurait mon épaule.
Devant nous était miss Fairlie, blanche apparition seule, au clair de lune : son attitude, la pose de sa tête, son teint, le calme de son visage, faisaient d’elle, à cette distance et dans les circonstances où nous étions placés, l’image vivante de la Femme en blanc ! Cette anxiété qui fatiguait mon esprit depuis quelques heures disparut devant une certitude rapide comme l’éclair. Ce « quelque chose » qui me manquait, c’était d’avoir reconnu la ressemblance de fatal augure qui existait entre la fugitive de la maison d’aliénés et mon élève de Limmeridge-House…
— Vous le voyez ! dit miss Halcombe. Elle laissa tomber la lettre, désormais inutile, et son regard étincelait se mêlant au mien. Vous le voyez, comme ma mère le voyait, il y a onze ans !
— Je le vois, — plus à regret que je ne puis dire. — Assimiler (ne fût-ce qu’à cause de cette ressemblance fortuite), assimiler à miss Fairlie cette malheureuse femme, abandonnée, sans amis, perdue, n’est-ce pas, en quelque sorte, jeter un voile funèbre sur l’avenir de cette brillante créature qui est là, debout, devant nous ? Ah ! laissez-moi, le plus tôt possible, me soustraire à