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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/144

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la franchise… Vous êtes décidé à ne me donner aucune information contre Rosanna Spearman, parce qu’elle s’est montrée bonne fille vis-à-vis de vous, et que vous la plaignez sincèrement. Ces considérations pleines d’humanité vous font infiniment d’honneur, mais, dans les circonstances actuelles, elles se trouvent perdre de leur valeur.

« Rosanna Spearman ne court aucun danger, non, aucun, quand même j’acquerrais la preuve de sa complicité dans la disparition du diamant, et cela aussi clairement que je vois votre nez au milieu de votre visage !

— Entendez-vous par là que milady ne poursuivrait pas sa mise en accusation ? demandai-je.

— Je veux dire que milady ne pourra pas poursuivre, répondit-il ; Rosanna n’est qu’un instrument passif entre les mains d’une autre personne, et on l’épargnera en faveur de cette même personne. »

Il parlait avec le plus grand sérieux, on ne pouvait le nier, et je sentis quelque chose en moi qui bouillonnait en l’écoutant. « Ne pouvez-vous donc mettre un nom sur cette personne ? insistai-je.

— Ne le pouvez-vous pas vous-même, monsieur Betteredge ?

— Non. »

Le sergent resta immobile, et me considéra de la tête aux pieds avec un mélancolique intérêt.

« C’est toujours avec plaisir que je pratique l’indulgence envers les faiblesses de notre nature humaine, dit-il ; j’éprouve une indulgence toute particulière pour les vôtres, surtout en ce moment, monsieur Betteredge ; c’est sans doute par des motifs tout aussi louables, que vous vous sentez porté vers Rosanna Spearman, n’est-il pas vrai ? Sauriez-vous par hasard si cette fille vient de renouveler une partie de son linge ? »

Je ne pus deviner pourquoi il arrivait ainsi, sans transition, à cette bizarre question.

Ne voyant aucun mal pour Rosanna à répondre la vérité, je dis qu’elle était arrivée chez nous avec une garde-robe très-mal pourvue, et que milady, comme récompense de sa bonne conduite (j’appuyai là-dessus), venait de lui donner un trousseau, il n’y avait pas plus de quinze jours.

« Comme tout va de travers dans ce bas monde ! fit le