Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/15

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l’intérêt de la paix, il est toujours désirable de partager l’avis d’un avocat, je dis que je voyais comme lui. M. Franklin continua :

« Vous savez que, grâce à l’affaire du diamant, la réputation de plusieurs innocents a déjà souffert. Celle d’autres personnes peut dans l’avenir être de nouveau soupçonnée, faute d’un exposé des faits qui puisse éclairer l’intelligence de ceux qui viendront après nous. Enfin, Betteredge, je crois que M. Bruff et moi sommes tombés d’accord sur la meilleure manière de mettre la vérité en évidence. »

Tout cela pouvait les satisfaire infiniment, mais je ne découvrais pas en quoi cela me regardait.

M. Franklin reprit : « Nous avons une série d’événements à raconter, et quelques-unes des personnes qui s’y trouvent mêlées sont en état d’en faire la narration. En partant de ce principe, nous avons songé que chacun de nous devrait écrire l’histoire de la Pierre de Lune en tant que nous y avons été mêlés, et rien de plus.

« Il faudrait montrer d’abord le diamant tombant entre les mains de mon oncle Herncastle lorsque, il y a cinquante ans, il servait dans l’armée des Indes.

« Je possède déjà une sorte de préface à notre récit : c’est un ancien papier de famille, où la rédaction des faits est certifiée par un témoin oculaire. Puis on raconterait comment le diamant arriva en la possession de ma tante, il y a deux ans, dans sa maison du Yorkshire, et comment il se fit que moins de douze heures après, la Pierre de Lune était perdue. Personne ne connaît aussi bien que vous, Betteredge, ce qui se passa dans la maison à cette époque. Nul n’est donc plus autorisé que vous à prendre la plume et à commencer notre récit. »

C’est ainsi que j’appris ce que j’avais à démêler dans l’affaire du diamant.

Si vous êtes curieux de savoir quel parti je pris à ce moment, je vous annoncerai que je fis ce que probablement vous auriez fait à ma place. Je me déclarai humblement incapable d’entreprendre la tâche requise, bien qu’au fond je fusse persuadé que je la remplirais fort bien si je laissais un libre essor à mes facultés personnelles. M. Franklin, j’imagine, dut lire sur mon visage mes sentiments intimes,