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Si peu que ce fût, cela suffit pour m’enlever tout courage. Les pleurs vous gagnent aisément, dans la première jeunesse, alors que la vie s’ouvre devant vous ; les larmes viennent aisément aussi dans la vieillesse, lorsque vous êtes faible et près de quitter cette vie ; je fondis en larmes.

Le sergent se rapprocha de moi, dans une intention affectueuse, je l’ai compris depuis ; mais en ce moment je reculai à son contact.

« Ne me touchez pas, m’écriai-je, c’est la terreur que vous lui causiez qui l’a menée là.

— Vous avez tort, monsieur Betteredge, me dit-il avec douceur ; il sera temps de vous en convaincre quand nous serons sortis d’ici. »

Je le suivis soutenu par le groom ; nous rentrâmes sous une pluie battante à la maison, où nous attendaient le trouble et la terreur.


CHAPITRE XX


Ceux qui nous précédaient avaient répandu la lamentable nouvelle ; aussi toute la maison était-elle bouleversée.

Quand nous passâmes devant l’appartement de milady, sa porte s’ouvrit violemment. Ma maîtresse sortit de sa chambre, la tête perdue, bien que M. Franklin qui la suivait essayât de la calmer.

« Vous êtes responsable de ce malheur ! s’écria-t-elle en menaçant le sergent de la main. Gabriel, donnez à cet homme son argent, et délivrez-nous de sa vue ! »

Le sergent était le seul d’entre nous en état de lui tenir tête, car il était le seul qui fût resté en possession de lui-même.

« Je ne suis pas plus responsable de ce funeste événement que vous ne l’êtes, milady, dit-il. Si dans une demi-heure d’ici, vous insistez encore pour que je quitte la mai-