Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/264

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tribuer à l’incomparable miss Bellows, et qui est intitulé : Le serpent dans la maison. Comme les lecteurs mondains ignorent peut-être le plan de ce livre, je leur dirai qu’il a pour but de nous montrer comment l’esprit du mal nous guette dans toutes les actions en apparence les plus innocentes de notre vie quotidienne. Les chapitres les mieux appropriés aux besoins des femmes sont : « Satan dans votre brosse ; Satan derrière la glace ; Satan sous la table à thé ; Satan à la fenêtre » et beaucoup d’autres aussi heureusement choisis.

« Veuillez prêter quelque attention à ce précieux livre, ma bonne tante, et vous m’aurez donné tout ce que je puis désirer le plus. »

En parlant ainsi, je lui tendis le livre tout ouvert à un passage d’une éloquence brûlante que j’avais souligné et qui avait pour sujet : « Satan sous les coussins de votre canapé. »

La pauvre lady Verinder, paresseusement étendue sur son sofa, donna un coup d’œil au livre et me le rendit d’un air plus embarrassé que jamais.

« J’ai peur, Drusilla, dit-elle, qu’il me faille attendre d’être mieux pour lire cela. Le docteur… »

Du moment où elle nommait le docteur, je compris ce qui allait suivre ; que de fois dans mon expérience des malades n’avais-je pas vu des membres du corps médical, trop connu pour son impiété, s’opposer à ma mission auprès de ceux de mes semblables qui étaient sur le point de périr, sous le misérable prétexte que le malade avait besoin de repos, et que l’émotion qu’ils redoutaient le plus pour lui était celle que pouvaient causer miss Clack et ses livres !

Je voyais de nouveau le matérialisme aveugle, cherchant à la dérobée à m’enlever le seul droit de propriété que ma pauvreté pût revendiquer, le droit de la propriété spirituelle sur l’âme de ma tante.

« Le docteur me dit, continua cette pauvre créature égarée, que je suis moins bien ce soir. Il m’a défendu de voir des étrangers, et il désire, si je lis, que je ne fasse que des lectures faciles ou amusantes. « Abstenez-vous, lady Verinder, de tout ce qui pourrait fatiguer votre tête ou activer votre pouls. » Telles ont été ses dernières paroles, Drusilla, lorsqu’il m’a quittée tout à l’heure. »

Il ne me restait qu’à céder pour le moment. Toute tentative