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dire que vous trouveriez une lettre dans l’intérieur du paquet. »

Une fois sa commission faite, je fus surprise de voir ce jeune homme disposé à s’enfuir au plus vite.

Je le retins et je lui fis quelques questions amicales : Pourrais-je voir ma tante, si j’allais chez elle ? Non, elle était sortie en voiture, avec miss Rachel, et M. Ablewhite les accompagnait. Sachant combien le labeur charitable de M. Godfrey souffrait de ses retards, je déplorai qu’il allât se promener comme un oisif. J’arrêtai Samuel près de la porte et lui adressai encore quelques questions empreintes de bienveillance ; miss Rachel devait aller le soir au bal et M. Ablewhite l’accompagnerait, après avoir pris le café à Montagu-Square. On annonçait un concert très-couru pour le lendemain ; Samuel avait l’ordre de prendre des places pour une nombreuse compagnie, y compris un billet pour M. G. Ablewhite.

« Tous les billets risquent d’être pris, miss, dit l’innocent jeune homme, si je ne me hâte pas d’y courir. »

Il sortit précipitamment, me laissant en proie à une foule de pensées inquiètes.

Nous avions convoqué ce soir-là une réunion spéciale de la Société de transformation des vêtements, dans le but d’obtenir l’avis et l’aide de M. Godfrey. Au lieu de soutenir notre association réellement débordée par un flot de pantalons, il s’arrangeait pour passer sa soirée à Montagu-Square, et pour la terminer par un bal ! L’après-midi du lendemain appartenait à la séance du festival de la Société des Dames britanniques pour la répression des amoureux du dimanche ; au lieu d’y assister, lui, l’âme et la vie de cette institution militante, il préférait aller à un concert en compagnie d’une société de mondains ! Je cherchais l’explication de tout cela ; hélas ! cela signifiait que notre héros chrétien se montrait sous un nouvel aspect, et qu’il allait représenter une des erreurs trop communes dans ces temps de tiédeur moderne !

Je reviens au récit de la journée ; en me retrouvant seule dans ma chambre, mon attention fut attirée par le paquet qui avait paru si fort intimider le jeune valet de pied. Ma tante m’aurait-elle envoyé le legs qu’elle m’avait