Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/112

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longuement réfléchi, je pris un parti dont vous rirez ; je me déshabillai et mis la robe de nuit sur moi, vous l’aviez portée et je trouvai dans ce souvenir un réel bonheur.

« Il n’était que temps de prendre cette précaution, car nous apprîmes bientôt dans le hall des domestiques que le sergent demandait le livre de blanchissage. C’est moi qui le lui portai au petit salon de milady ; le sergent et moi, nous nous étions rencontrés plus d’une fois jadis, et j’étais certaine qu’il me reconnaîtrait ; je ne savais comment il agirait en me trouvant au service d’une maison où un vol venait d’être commis.

« Pour en avoir le cœur net, j’étais bien aise que la circonstance me mît face à face avec lui.

« Il feignit de ne pas me reconnaître, et me remercia poliment lorsque je lui tendis le livre. Je crus que c’était mauvais signe. Que dirait-il de moi une fois que j’aurais quitté la pièce, et ne risquais-je pas d’être arrêtée sous prévention et fouillée ? C’était à cette heure que vous deviez revenir du chemin de fer où vous aviez accompagné M. Godfrey Ablewhite. Je me rendis à votre promenade favorite du taillis, afin d’essayer de nouveau de vous parler, car je sentais que l’occasion de le faire ne se retrouverait peut-être plus.

« Vous n’y étiez pas, et, qui pis est, le sergent et M. Betteredge venant à passer près du lieu où je me cachais, le sergent me vit.

« Je n’avais après cela qu’à retourner à mon ouvrage et à ma place ; comme j’allais rentrer, vous reveniez du chemin de fer, vous dirigeant vers le taillis ; mais vous me vîtes, cela j’en suis certaine, et aussitôt vous vous détournâtes comme si j’avais la peste et vous allâtes vers la maison[1].

« Je regagnai de mon mieux l’entrée des domestiques et m’assis dans la buanderie où il n’y avait personne. Je vous ai déjà parlé des pensées que les Sables-Tremblants m’inspiraient ; elles me revinrent en ce moment ; je me demandai

  1. Note de Franklin Blake. — La pauvre fille était dans l’erreur. Je ne l’avais nullement remarquée. Mon intention était à coup sûr de faire un tour dans le taillis, mais au moment d’y entrer, je me souvins que ma tante voulait me voir à mon retour du chemin de fer, et je me rendis à la maison.