Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/172

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regarda avec une agitation extrême à mesure que j’approchais du point culminant de mon récit.

« Il est certain que je suis allé dans la chambre, lui dis-je, et il est certain que j’ai de ma main pris le diamant. Tout ce que je puis affirmer, c’est que je n’ai eu aucune conscience de mes actes, quels qu’ils aient été. »

Ezra Jennings me saisit vivement par le bras.

« Arrêtez ! s’écria-t-il, vous m’ouvrez un champ de suppositions que vous ne pouvez soupçonner. L’usage de l’opium vous est-il familier ?

— Je n’en ai jamais pris de ma vie.

— Vos nerfs étaient-ils excités à l’époque dont vous me parlez ? vos nuits étaient-elles agitées et sans sommeil ?

— Oui ; pendant plusieurs nuits, je ne dormis même pas du tout.

— La nuit du jour de naissance fit-elle exception ? Tâchez de vous rappeler si ce soir-là vous dormîtes bien ?

— Je m’en souviens, je dormis parfaitement. »

Il laissa échapper brusquement mon bras qu’il tenait, et me regarda de l’air de quelqu’un dont les derniers doutes viennent de disparaître.

« Ce jour était marqué dans votre vie et dans la mienne, dit-il gravement, je suis absolument certain, monsieur Blake, de ceci : je possède dans mes notes manuscrites l’ensemble de ce que M. Candy désirait vous dire ce matin. Attendez, ce n’est pas tout. Je crois fermement être en état de démontrer que vous agissiez d’une manière inconsciente lorsque, entrant dans la pièce, vous y prîtes le diamant. Donnez-moi le temps de réfléchir et celui de vous interroger ; je crois que votre réhabilitation est entre mes mains !

— Pour l’amour de Dieu ! que voulez-vous dire ? Expliquez-vous… »

Dans l’entraînement de la conversation, nous avions dépassé le groupe d’arbres rabougris qui nous avaient masqués jusqu’à présent. Avant qu’Ezra Jennings pût me répondre, il fut hélé de la route par un homme effaré qui guettait évidemment sa venue.

« Je viens, cria-t-il en réponse ; je viens aussi vite que je le peux ! »

Revenant à moi, il me dit :