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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/217

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— Je suppose que la chambre devra être obscure, comme elle l’était l’année dernière ?

— Certainement.

— J’attendrai dans ma chambre exactement comme je le fis alors, et je laisserai aussi ma porte entrebâillée. Puis, j’aurai l’œil sur celle du salon, et, dès que j’apercevrai un mouvement, je soufflerai ma lumière. C’est ainsi que cela a eu lieu il y a un an ; et il faut, n’est-il pas vrai, qu’il en soit de même cette fois-ci ?

— Êtes-vous sûre de rester maîtresse de vous-même, miss Verinder ?

— Pour lui, il n’est rien dont je ne sois capable ! » a-t-elle répondu avec force.

Un regard jeté sur elle m’a assuré que je pouvais compter sur sa parole ; je me suis adressé de nouveau à M. Bruff.

« Je vous demanderai de bien vouloir mettre vos papiers de côté pour un temps, lui ai-je dit.

— Oh, certainement ! »

Il s’est levé en sursaut, comme si je l’avais dérangé dans un moment des plus intéressants, et m’a suivi vers la boîte à pharmacie. Là, son esprit n’étant plus captivé par ses travaux professionnels, il s’est mis à bâiller démesurément et à regarder Betteredge d’un air d’ennui profond.

Miss Verinder nous a apporté une carafe d’eau froide qu’elle venait de prendre sur la table.

« Laissez-moi verser l’eau, a-t-elle murmuré, il faut que je mette la main à vos préparatifs. »

J’ai mesuré les quarante gouttes de laudanum et je les ai versées dans un verre.

« Remplissez-le jusqu’aux trois quarts. » ai-je dit en tendant le verre à miss Verinder.

J’ai engagé alors Betteredge à serrer la boîte à pharmacie, en lui disant qu’elle ne m’était plus utile. Une expression de soulagement s’est répandue sur la physionomie du vieux serviteur ; il était clair que, durant tout ce temps, il m’avait soupçonné de tenter quelque entreprise scientifique sur sa jeune maîtresse.

Après avoir ajouté l’eau comme je le lui avais recommandé, miss Verinder a profité d’un moment où M. Bruff feuilletait