Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/243

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eût été subitement pris de boisson ? Cela intrigua tellement Groseille, qu’il ne put s’empêcher de courir après lui dans la rue. Aussi longtemps que l’homme fut en vue de l’auberge, il festonna de la façon la plus scandaleuse, mais dès qu’il eut atteint le coin de la rue, il retrouva son équilibre, et redevint aussi calme qu’eût pu le désirer un membre de la Société de tempérance. Groseille rentra à la Roue de la Fortune dans l’état d’esprit le plus perplexe ; il attendit encore, mais rien d’extraordinaire ne se produisit plus et le marin ne donna aucunement de ses nouvelles ; il se décida alors à revenir à l’étude. Juste au moment où il prenait cette résolution, que vit-il de l’autre côté de la rue ? l’ouvrier occupé à considérer une des fenêtres de l’étage supérieur de l’auberge, qui, seule, était éclairée ; la vue de cette lumière parut le satisfaire, car il quitta presque aussitôt la place. Le jeune garçon prit sa course vers Gray’s Inn, trouva votre message écrit, vint chez vous, et vous attendit inutilement. Telle est, monsieur Blake, la situation à l’heure présente.

— Que pensez-vous de cette affaire, sergent ?

— Je la crois très-sérieuse, monsieur ; à en juger par tout ce qu’a vu le gamin, soyez sûr que les Indiens machinent quelque chose.

— Vous avez raison, et le marin est celui qui a reçu le diamant des mains de M. Luker. Il semble étrange que M. Bruff, moi et les hommes employés par lui nous ayons tous été trompés à ce sujet.

— Point du tout, monsieur Blake ; à considérer le risque que courait cet individu, il est fort naturel que M. Luker se soit préalablement entendu avec lui pour vous donner le change.

— Mais comprenez-vous tous ces incidents qui se passent à l’hôtel ? Le prétendu ouvrier est évidemment un espion des Indiens ; mais je suis aussi embarrassé que Groseille lui-même pour expliquer cette subite comédie de l’ivresse.

— Je crois pouvoir résoudre cette énigme, me dit le sergent : si vous réfléchissez bien, voyez quelles instructions précises a dû recevoir l’agent des Indiens ; ceux-ci eussent été trop facilement signalés pour risquer de se montrer à la banque ou à l’auberge ; il leur a fallu s’en remettre entière-