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que d’intervenir à la première occasion qui s’offrirait à moi avant la fin de la journée.

À mon retour du service, je trouvai qu’ils venaient de rentrer, et un coup d’œil me suffit pour voir que l’avoué avait parlé ; Rachel était silencieuse et toute à ses réflexions, et M. Bruff l’entourait des attentions les plus marquées, tout en la regardant avec un respect particulier. Il avait, ou prétendit avoir, un engagement à dîner pour ce jour-là, et il nous quitta de bonne heure, avec l’intention de retourner à Londres par le premier train du matin.

« Êtes-vous assurée de votre résolution ? l’entendis-je dire à Rachel à la porte.

— Parfaitement, » répondit-elle.

Et ils se séparèrent ainsi.

Aussitôt après son départ, Rachel se retira dans sa chambre et ne parut pas à dîner. La personne au bonnet enrubanné (sa femme de chambre) vint dire que son mal de tête lui était revenu. Je courus en haut et lui fis, à travers sa porte, mille offres aussi affectueuses que celles d’une sœur ; mais elle refusa de m’ouvrir.

Que d’obstacles je rencontrais ! Toutefois, loin de refroidir mon zèle, la difficulté ne fit que le stimuler davantage.

Lorsqu’on lui monta son thé le lendemain matin, j’entrai à la suite de sa femme de chambre, je m’assis près de son lit et je lui adressai quelques paroles sérieuses. Elle les écouta d’un air poli, mais quelque peu distrait. J’aperçus les précieux livres de mon amie tous empilés dans un coin. Avait-elle eu l’heureuse inspiration de les feuilleter ? Je le lui demandai. Elle les avait parcourus en effet, et ils n’avaient pas réussi à l’intéresser. Me permettrait-elle de lui en lire quelques passages du plus haut intérêt et qui lui avaient sans doute échappé ? Non, pas maintenant, elle avait d’autres préoccupations. Elle me fit ces réponses tout en chiffonnant la garniture de sa chemise de nuit ; il devenait urgent de la faire sortir de cette apathie par quelque allusion aux intérêts mondains qui lui tenaient au cœur.

« Savez-vous, ma chérie, dis-je, que j’ai eu une singulière idée hier au sujet de M. Bruff ? J’ai pensé, en vous revoyant après votre promenade avec lui, qu’il vous avait apporté quelque mauvaise nouvelle.