Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/71

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il y a là une allusion bien directe à la Pierre de Lune. Maintenant, voyons ce que firent les Indiens après que le directeur eut autorisé la remise de leur lettre. Le jour même où ils sont mis en liberté, ils vont à la station du chemin de fer et prennent des places pour Londres. Nous pensâmes tous à Frizinghall qu’on avait eu grand tort de ne pas les faire filer par un agent ; mais, lady Verinder ayant renvoyé l’officier de police et arrêté toute enquête relative au diamant, nul ne pouvait se permettre d’agir en cette occasion. Les Indiens étaient donc libres d’aller à Londres, et ils y allèrent. Qu’apprîmes-nous ensuite sur leur compte, monsieur Bruff ?

— Nous sûmes, répondis-je, qu’ils causaient de l’ennui à M. Luker en rôdant tout autour de sa maison à Lambeth.

— Avez-vous lu la déclaration faite par M. Luker au magistrat ?

— Oui.

— Si vous vous en souvenez, il y est question d’un ouvrier étranger employé chez le plaignant et que celui-ci venait de renvoyer, tant parce qu’il le soupçonnait d’une tentative de vol qu’à cause de sa connivence présumée avec ces Indiens si importuns. Ne devinez-vous pas maintenant, monsieur Bruff, quel est l’auteur de la lettre orientale qui vous intriguait tout à l’heure, et aussi quel est celui des trésors de M. Luker dont l’ouvrier cherchait à s’emparer ? »

La corrélation était trop claire pour que je ne me hâtasse pas d’en convenir. Je n’avais jamais mis en doute qu’à l’époque indiquée par M. Murthwaite, la Pierre de Lune n’eût passé entre les mains de M. Luker ; mais comment les Indiens en avaient-ils été instruits ? Voilà ce que je n’avais pas réussi à découvrir. Cette question, la plus obscure de toutes, à mon sens, venait d’être élucidée comme toutes les autres. Quelque retors que m’eût rendu ma profession, je commençai à comprendre que je pouvais me reposer aveuglément sur M. Murthwaite du soin de me conduire à travers les derniers méandres de ce labyrinthe où il m’avait si bien guidé jusqu’ici. Je lui fis l’amabilité de le reconnaître et il en parut flatté.

« Vous allez à votre tour me donner un renseignement avant que nous poursuivions, dit-il ; il faut que quelqu’un ait porté la Pierre de Lune du Yorkshire à Londres ; et il