Page:Collins - Le Secret.djvu/113

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ici quelqu’un de Londres, qu’on nous expédiera par le chemin de fer…

— Ce qui prendra naturellement un certain temps, sans compter que sa nouvelle garde pourra se trouver ou une femme adonnée à la boisson, ou une voleuse, ou peut-être à la fois tout cela, quand vous l’aurez appelée ici, dit mistress Norbury avec ce laisser-aller de langage qui lui était habituel… Miséricorde !… ne pourrions-nous imaginer quelque chose d’un peu mieux que cela ? Je ne demande, très-sincèrement, qu’à faire tout ce qui dépendra de moi pour venir en aide à mistress Frankland… Eh ! tenez, M. Orridge, je crois que nous ferions bien de consulter là-dessus mistress Jazeph, ma femme de charge… C’est une étrange femme, avec un étrange nom, me direz-vous. Mais voici plus de cinq ans qu’elle vit ici avec moi, et elle pourrait fort bien connaître, dans le voisinage, quelque femme comme celle qu’il vous faudrait. Or, je n’en connais pas, moi. » Ceci dit, mistress Norbury sonna sans plus attendre, et le domestique venu, elle l’envoya dire à mistress Jazeph qu’on la priait de monter.

Au bout d’une ou deux minutes, on frappa doucement à la porte, et la femme de charge entra.

M. Orridge la regarda, dès qu’elle eut paru, avec un intérêt et une curiosité dont il eût à peine pu rendre compte. À vue de pays, comme on dit, il la classa parmi les femmes qui approchent de la cinquantaine. Son regard de médecin eut bientôt découvert que, dans cet appareil compliqué qu’on appelle « le système nerveux, » mistress Jazeph avait, à un moment donné, subi quelque dérangement incurable. Il prit note de cette tension musculaire qui imprimait à sa figure une sorte de labeur douloureux, et de cette rougeur fiévreuse qui se répandit sur ses joues, dès que, mettant le pied dans le salon, elle y eut aperçu un étranger. Il observa dans son regard une sorte d’effarement, et remarqua que cet effarement subsistait encore lorsque, par degrés, le reste de la physionomie avait repris un peu de calme : « Cette femme a certainement passé par quelque grand effroi, quelque grand chagrin, ou quelque mal organique, pensait-il en lui-même… Je voudrais bien savoir lequel, ajoutait-il, toujours in petto.

— Voici M. Orridge, le médecin nouvellement établi à West-Winston, dit mistress Norbury, s’adressant à la femme de charge. Il soigne une dame qui a été obligée de s’arrêter à notre station, pendant un voyage qu’elle faisait pour se rendre