Page:Collins - Le Secret.djvu/12

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une mise dont la simplicité était poussée jusqu’aux extrêmes limites de ce que les convenances autorisent, la femme de chambre, nonobstant tous ces désavantages extérieurs, était une de ces personnes qu’on ne peut guère envisager sans quelque curiosité, sinon sans quelque intérêt. Bien peu d’hommes, même à première vue, eussent résisté au désir de savoir qui elle était ; bien peu se fussent tenus pour satisfaits de cette simple réponse : « C’est la femme de chambre de mistress Treverton ; » bien peu se seraient interdit un examen plus approfondi, une étude plus attentive de cette physionomie et de ces façons d’être toutes particulières, et aucun, pas même l’observateur le plus patient, le plus exercé, n’en eût tiré d’autre indication que celle de quelque grande épreuve subie par cette mystérieuse personne à quelque moment donné de sa vie. Dans son attitude bien des choses, bien des choses encore sur sa figure disaient clairement et tristement : « Je suis un débris de quelque chose que jadis vous eussiez regardé avec plaisir ; pauvre épave qui ne sera jamais réparée, que les flots de la vie emporteront à la dérive, sans que personne y prenne garde, l’ait en pitié, ou veuille la diriger, jusqu’à l’heure où elle touchera le bord fatal, et où l’abîme éternel l’aura pour jamais engloutie. »

Voilà l’histoire qui se lisait sur la figure de Sarah Leeson, mais sans qu’on en pût savoir davantage.

Parmi ceux qui eussent commenté ces données générales, il ne s’en fût probablement pas trouvé deux s’accordant sur la nature des souffrances infligées à cette créature de Dieu. Et, tout d’abord, était-ce peine de corps ou d’esprit ? problème d’une solution difficile, en face des traces ineffaçables que la souffrance passée avait laissées sur ce pâle visage. Les joues, rondes et fraîches autrefois, n’avaient plus ni leur contour primitif, ni la couleur qui les avait animées ; les lèvres, d’une coupe délicate et d’une singulière souplesse dans leurs mouvements, étaient flétries et d’une pâleur maladive. Les yeux, grands et noirs, ombragés par des cils d’une épaisseur inusitée, avaient contracté une sorte d’habitude effarée qui leur donnait une continuelle expression d’inquiétude, et attestait l’excessive susceptibilité de ses sentiments, la timidité inhérente à sa nature. Jusque-là, les vestiges que le chagrin ou la maladie avait laissés sur elle étaient ceux qu’on retrouve communément chez la plupart des victimes du mal physique ou des tortures morales. La seule altération extraordinaire qui se pût remarquer en elle était le changement précoce sur-