Page:Collins - Le Secret.djvu/201

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lant de l’escalier ouest… » Je regrette, monsieur, que vous n’ayez pas jugé à propos de parcourir le Guide du Cornouailles occidental.

— Et pourquoi ? répliqua l’impassible Allemand… Qu’avais-je affaire d’un livre, vous ayant pour me guider ? Ah ! cher monsieur, vous ne vous rendez pas justice… Un vrai guide en chair et en os, comme vous, qui marche et parle si bien, vaut mieux pour moi que tous les bouquins imprimés de ce bas monde… Oh ! mais non… non !… ce n’est pas la peine de discuter ceci… Je ne veux pas vous écouter si vous persistez à vous déprécier de cette façon… » L’oncle Joseph, ce disant, exécuta une de ses révérences fantastiques, lança un long sourire à la figure de l’intendant, et secoua la tête, à plusieurs reprises, par manière de reproche amical.

M. Munder se sentit paralysé. Il n’aurait pu être traité de plus haut, avec une familiarité plus aisée et plus insouciante, quand bien même cet obscur vieillard étranger eût été un duc et pair d’Angleterre. Il avait souvent entendu parler d’une audace à tout braver, et il la voyait tout à coup se produire, incarnée en un petit individu grisonnant, dont le nez ne s’élevait pas à cinq pieds du sol !

Tandis que l’intendant, gonflé de rancunes, accumulait en lui des ressentiments trop énormes pour trouver une issue, la femme de charge, suivie de Sarah, montait lentement l’escalier. L’oncle Joseph, les voyant parvenues à une certaine hauteur, se hâta de rallier sa nièce, et M. Munder, après une halte de quelques instants, nécessaire pour rendre le calme à son esprit ému, suivit enfin le téméraire étranger, dont il voulait surveiller de près la conduite, bien décidé, si l’occasion s’en présentait, à châtier par d’amères et poignantes paroles l’insolence qu’il venait de manifester.

Le cortége ainsi formé sur l’escalier, l’intendant ne se trouva pas, néanmoins, tout à fait à l’arrière-garde. À la queue de la colonne, l’ornant et la complétant par sa présence, se tenait Betsey, la domestique, qui, s’échappant de la cuisine, avait voulu suivre les visiteurs étrangers dans cette promenade intérieure, et cela d’aussi près qu’elle le pourrait sans attirer l’attention de mistress Pentreath. Betsey n’était pas étrangère à cette curiosité, à cet amour du changement, qui est l’apanage de l’humaine nature. Jamais, dans le passé, visite pareille à celle des deux inconnus n’avait, à sa connaissance, diversifié la monotone existence des habitants de Porth-