Page:Collins - Le Secret.djvu/210

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arracher. Tracé à la craie sur le panneau était le chiffre 1, et, jetant les yeux sur le paquet de clefs qu’elle avait en main, elle vit, sur une des étiquettes, le chiffre 1 correspondant.

Elle essaya de penser, d’arriver à quelqu’une des conclusions auxquelles pouvaient aboutir les soupçons qui assiégeaient en foule son imagination excitée. Vain effort. Son intelligence l’avait quittée. Le sens de la vue et le sens de l’ouïe, doués en elle, pour le moment, d’une acuité douloureuse et incompréhensible, étaient les seules facultés qui pussent lui être de quelque usage. Elle posa sa main sur ses yeux, attendit ainsi un moment, et avança ensuite lentement, regardant à chaque porte.

Le numéro 2, le numéro 3, le numéro 4, tracés de même, à la craie, sur les panneaux, répondaient aux mêmes numéros écrits à l’encre sur les étiquettes. Le numéro 4 était celui de la chambre du milieu, le premier étage se composant de huit pièces à la suite l’une de l’autre. Arrivée là, elle s’arrêta de nouveau, tremblant de la tête aux pieds… C’était la porte de la chambre aux Myrtes.

Le numérotage à la craie s’arrêtait-il là ? Elle regarda, suivant de l’œil, dans toute sa longueur, l’enfilade entière. Non ; les quatre portes restant étaient régulièrement numérotées de cinq à huit.

Elle revint à la porte de la chambre aux Myrtes, chercha la clef dont l’étiquette portait le numéro quatre, hésita… et jeta par-dessus son épaule un regard méfiant, dans la direction du vestibule désert.

Les toiles des antiques portraits de famille, qu’elle avait vus pendre hors de leurs bordures, jadis, quand elle était venue cacher la lettre, étaient depuis lors, pour la plupart, pourries et tombées. Leurs grands lambeaux noirâtres jonchaient çà et là le dallage du vestibule. Sur les hauts plafonds voûtés, l’humidité avait inscrit, comme la carte de quelque monde chimérique, des continents, des mers, et des îles. Des toiles d’araignée, chargées de poussière, pendaient en festons gris des corniches brisées par endroits. Les taches de boue restées sur les dalles semblaient comme autant de reflets grossiers des moisissures du plafond. Le large escalier qui du vestibule menait aux chambres du premier étage, déjeté en masse, fléchissait tout d’un côté ; la rampe qui continuait sur les deux faces extérieures du palier, crevée par endroits, étalait ses baies pé-