Page:Collins - Le Secret.djvu/219

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veux troubler personne, émouvoir personne, ni même terrifier personne… Je ne veux qu’exposer des faits remarquables par leur étrangeté… Je prétends dévoiler ou, si vous l’aimez mieux, et pour me servir d’une expression mieux adaptée à la commune des intelligences, exposer, c’est mon unique but, une série d’événements. Et, quand ceci sera fait, je voudrais, à vous, madame, à vous, monsieur, à tous deux par conséquent, et avec calme, impartialité, politesse, simplicité, douceur, avec douceur, c’est-à-dire sans amertume, demander si vous ne vous regardez pas comme obligés à quelques explications. »

M. Munder s’arrêta, laissant à cet irrésistible appel le temps de se frayer un chemin vers le cœur des personnes auxquelles il était adressé. La femme de charge profita du silence qui s’était fait pour tousser, comme tousse une pieuse congrégation avant le début du sermon, sans doute d’après ce principe qu’il faut se débarrasser de toute infirmité physique lorsqu’on veut donner à l’âme la pleine puissance d’un exercice intellectuel. Betsey, se réglant sur sa maîtresse, toussa, elle aussi, mais faiblement, et non sans quelque appréhension. L’oncle Joseph demeurait, lui, parfaitement à son aise, imperturbable dans sa sérénité, tenant toujours la main de sa nièce, et, de temps en temps, serrant cette main, lorsque l’éloquence de l’intendant devenait particulièrement émouvante et solennelle. Sarah ne bougeait, et constamment tenait les yeux baissés. Sa physionomie n’avait cessé d’exprimer la même contrainte effarouchée, depuis le moment où elle était entrée dans la chambre de la femme de charge.

« Passons maintenant en revue les faits, les circonstances, les événements, continua M. Munder, les épaules bien appuyées au dossier de son fauteuil, et se rassasiant en paix du son de sa propre voix… Vous, madame, et vous, monsieur, vous sonnez à la porte de ce manoir. (Ici un regard péremptoire à l’oncle Joseph, comme pour lui dire : « Même à présent, même sur le siége du juge, il m’est impossible d’accorder que le lieu où nous sommes soit une simple maison. ») On vous laisse entrer, disons mieux, on vous reçoit. Vous, monsieur, vous affirmez que vous venez visiter le manoir (voir la maison, disiez-vous, erreur légère qu’explique votre qualité d’étranger) ; vous, madame, vous adhérez à cette explication, vous vous mettez de moitié dans cette requête… Que s’ensuit-il ?… Elle est accueillie. On vous introduit, on vous promène dans le manoir. Il n’est guère dans nos habitudes d’y introduire