Page:Collins - Le Secret.djvu/224

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ticulière d’attention par une de ses fantastiques révérences, et ensuite, il répliqua par six mots, pas davantage, mais six mots irréfutables, à la longue harangue de l’intendant. Ces six mots furent :

« Monsieur, je vous souhaite le bonjour.

— Comment, monsieur, osez-vous formuler un pareil souhait ? s’écria M. Munder, que la vivacité de son indignation fit se dresser hors de son fauteuil… Comment vous permettez-vous de traiter à la légère, et même ironiquement, un sujet sérieux, voire une question sérieuse ?… Jolie politesse, en vérité !… Pensez-vous que je vous laisserai quitter cette résidence, sans avoir obtenu de vous… de vous, ou de cette personne qui dans ce moment même vous parle à l’oreille d’une façon si peu convenable… une explication relative à la soustraction, à l’enlèvement, au rapt dolosif des clefs des appartements du nord ?

— Ah !… c’est là ce que vous voulez savoir ? dit l’oncle Joseph, que l’agitation toujours croissante de sa nièce poussait à sauter sur la première excuse venue ; eh bien !… voici… je vais tout vous expliquer. Pour être admis ici, cher et bon monsieur, que nous avions-vous dit, je vous prie ?… Ceci, et pas autre chose : « Nous venons voir la maison. » Or la maison a un côté nord, tout comme elle a un côté ouest, n’est-il pas vrai ? Fort bien, vous ne pouvez me contester ceci… Cela fait donc deux côtés… Et ma nièce et moi nous faisons aussi deux personnes distinctes. D’où suit que, pour voir les deux côtés, nous nous séparons en deux. Moi, je suis la moitié qui, sous votre conduite, et avec la chère et bonne dame assise là derrière, visite la partie ouest. Ma nièce est la moitié qui, toute seule, visite la partie nord. Et là, elle laisse tomber les clefs, elle s’évanouit ; pourquoi ? parce que ce côté de la maison est ce que vous appelez un peu ranci, un peu moisi… On y sent la tombe et l’araignée… Voilà mon explication, et j’imagine qu’elle est un peu complète… Monsieur, je vous souhaite bien le bonjour !…

— Si jamais j’ai rencontré gens comme vous, je veux bien que le…, commença M. Munder qui, dans sa colère, allait perdre et le sentiment de sa dignité, et le culte qu’il professait pour la rhétorique à grands mots. Il paraît, n’est-ce pas, monsieur l’étranger, que tout doit ici marcher comme il vous plaît ?… Il paraît que vous comptez sortir de chez nous quand bon vous semblera, monsieur l’étranger ? Nous verrons, mon-