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Page:Collins - Le Secret.djvu/268

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Betsey, de son doigt perplexe, traça une dernière ligne encore plus longue que les autres, ensuite essuya ce doigt le long de son tablier, et répondit enfin :

« Je crois, madame, qu’elle s’est trouvée mal parce qu’elle a vu… le fantôme.

— Le fantôme ?… Il y a donc un fantôme ici ?… Lenny, voici un roman sur lequel nous ne comptions pas… Quelle espèce de fantôme est celui-ci ?… Nous voulons toute l’histoire. »

Toute l’histoire, telle que Betsey la put raconter, n’était pas de nature à renseigner très-complètement ses auditeurs, ou à les tenir longtemps en suspens. Le fantôme était celui d’une dame, naguère mariée à un des propriétaires de Porthgenna-Tower, et qui, de manière ou d’autre, on ne savait comment, avait mystifié son époux. En conséquence, elle avait été condamnée à errer dans ces appartements du nord (sans doute le théâtre de son crime) aussi longtemps que les murailles du château se tiendraient debout. Elle avait de longs cheveux bouclés, brun clair, des dents très-blanches, une fossette à chaque joue, et elle était d’une beauté à faire frissonner. À toute créature mortelle qui avait le malheur de se trouver sur sa route, son approche était annoncée par un souffle glacé, et quiconque avait senti le froid de ce souffle infernal était bien certain de ne se réchauffer jamais. C’était là tout ce que Betsey savait du fantôme, et, selon elle, rien que d’y penser, il y avait de quoi vous glacer le visage à tout jamais.

Rosamond sourit d’abord ; mais ensuite, redevenue sérieuse : « Je voudrais, dit-elle, quelques détails de plus ; mais, comme il n’est pas probable que vous puissiez me les donner, nous interrogerons d’abord mistress Pentreath, et ensuite, pour finir, M. Munder. Envoyez-les-nous, Betsey, aussitôt que vous serez descendue. »

L’examen de la femme de charge et de l’intendant ne conduisit à aucun résultat. On ne put arracher ni à l’un ni à l’autre aucun renseignement de plus que ceux dont ils avaient déjà fait part dans leur lettre à mistress Frankland. La pensée dominante chez M. Munder était que l’étranger n’avait franchi le seuil de Porthgenna-Tower que pour réaliser un acte de haute trahison à l’égard de l’argenterie de famille. Mistress Pentreath partageait cette opinion, et y rattachait, Dieu sait comme, son impression personnelle, savoir, que la dame aux vêtements de couleur foncée était une malheureuse, échappée