Page:Collins - Le Secret.djvu/303

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de presque absurde. S’apercevant, sur le palier ouvert, au sortir de la chambre aux Myrtes, qu’il était du côté où une chute, à la rigueur, se pouvait craindre, elle insista pour changer de place avec lui et le mettre contre la muraille. Pendant qu’ils descendaient les degrés, elle l’arrêta au milieu, pour s’informer de lui s’il ressentait encore la moindre souffrance au genou heurté contre le fauteuil. Sur la dernière marche, elle lui fit faire halte encore une fois, tandis qu’elle écartait les débris troués et déchirés d’une vieille natte, de peur que ses pieds ne se prissent à cette espèce de piége. En traversant le vestibule nord, elle le supplia de prendre son bras, et de s’appuyer sur elle autant que le demandait la roideur qu’elle supposait devoir exister encore dans l’articulation endolorie. Même sur le petit perron qui mettait l’entrée de ce vestibule en rapport avec les corridors conduisant à l’ouest de la maison, elle s’arrêta deux fois pour poser elle-même le pied de son mari sur la partie saine des marches, qu’elle lui disait être, en plus d’un endroit, usées de manière à lui faire courir quelque danger. Tant d’anxiété finit par exciter, chez celui qui en était l’objet, une gaieté reconnaissante, et il se prit à railler doucement Rosamond de la peur qu’elle avait de le voir trébucher, demandant en outre si, avec tant de haltes, ils arriveraient bien dans leurs appartements, à temps pour l’heure du lunch[1]… Mais elle n’avait pas, comme à l’ordinaire, sa repartie toute prête. Le rire de son mari n’éveillait plus d’échos en elle. Sa seule réponse fut qu’elle ne saurait veiller sur lui avec trop de soin ; et, à partir de ce moment, ils marchèrent sans échanger un mot, jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés devant la chambre de la femme de charge.

Laissant son mari sur le seuil pour un instant, Rosamond y entra, et rendit les clefs à mistress Pentreath.

« Bon Dieu ! madame, s’écria la femme de charge… La chaleur qu’il fait, et l’air enfermé de ces vieux appartements, semblent vous avoir bien fatiguée… Voulez-vous que je vous fasse apporter un verre d’eau ?… Désirez-vous mon flacon de sels ? »

Rosamond refusa ces deux offres.

« Puis-je me permettre de vous demander, madame, si cette fois on a découvert quelque chose dans ces appartements du

  1. Le lunch ou luncheon est, comme on le sait assez généralement, le goûter anglais.